02/06/2025

Le permis de visite en prison ou au parloir

Grâce à un mécénat de compétences (mise à disposition d’un salarié au profit d’une association avant la retraite), Pierre Audigier a consacré 18 mois au sein de l’Îlot à promouvoir et gérer le bénévolat, s’investir dans des événements comme notre séminaire 2023. Aujourd’hui jeune retraité, Pierre est devenu visiteur de prison. Revenons avec lui sur cet engagement, sur ce que cela implique d’un point de vue administratif, citoyen, intellectuel et affectif.

Qu'est-ce qu'un permis de visite en prison

Bien que toute personne détenue dans une prison puisse bénéficier de la visite de ses proches, pour que leur venue soit autorisée il leur est obligatoire d’avoir au préalable obtenu un permis de visite en prison accordé par les autorités carcérales ou judiciaires. Il ouvre droit à la réservation d’un parloir. Il s’agit d’un « document administratif nominatif qui autorise une personne à rendre visite un détenu dans un établissement pénitentiaire déterminé ». (1)

Avec quelle justification un membre extérieur à la famille, peut-il demander un permis de visite en prison ?

Pierre : Le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) identifie les personnes détenues très isolées qui n'ont pas, ou peu, de visites, souvent en raison de l'éloignement de leur famille, et qui expriment le souhait d’être mis en contact avec des visiteurs de prison. Les détenus doivent être volontaires pour bénéficier de ce dispositif.
Mon rôle en tant que visiteur de prison est d’apporter un soutien moral et une ouverture vers l’extérieur. Je suis une personne totalement indépendante, aussi bien du système judiciaire (juges, avocats, procureurs) que de l’administration pénitentiaire. Cette indépendance est essentielle : je ne prends pas contact avec la famille, ni avec l’avocat du détenu. Il est primordial de ne pas interférer dans les affaires judiciaires et de ne pas entrer dans un système d’échange de services.
Le caractère bénévole de cette mission suscite parfois l’étonnement des personnes visitées : "Vous n’avez pas autre chose à faire ? Vous n’êtes même pas payé ?". Ce qui permet des échanges sur mes motivations personnelles et sur l’importance du soutien et du réconfort. Pendant une heure, la personne détenue peut s'évader mentalement de son quotidien, loin du flot d’informations qui tourne en boucle à la télévision.
L’écoute est un élément central de ma mission. C’est très important. Je suis là pour écouter sans juger, notamment lorsque la personne détenue traverse des moments difficiles. Par exemple, la personne détenue que j’accompagne et qui est en détention provisoire, lorsqu’elle vient de subir une extraction pour répondre à un interrogatoire dans une nouvelle affaire revient marquée et déprimée par cette épreuve. Dans ces instants, je n’ai souvent pas besoin d’intervenir activement : j’écoute simplement, lui permettant de vider son sac.
À d'autres moments, l’échange est plus léger on peut parler de leurs centres d’intérêt, qu’il s’agisse de sport, de religion, de politique ou d’actualité. Je ne fais que relancer ou rebondir sur ces sujets. Les blancs, bien qu’inconfortables pour certains, font aussi partie de ces rencontres. Combler systématiquement les blancs n’est pas toujours nécessaire : chaque détenu a son propre rythme. Certains parlent sans interruption, tandis que d'autres, parfois abattus, ont besoin de pauses silencieuses.

Faire une demande de permis de visite en prison

Les démarches pour obtenir un permis de visite en prison dépendent de la situation de la personne détenue, selon qu’elle soit jugée et condamnée, ou qu’elle soit en attente de jugement, ou bien qu’elle soit mineure.

Pour obtenir un permis de visite pour une personne jugée et condamnée, la demande est à adresser par courrier auprès du chef de l’établissement pénitentiaire où cette personne est écrouée ou une demande en ligne est possible en se connectant sur le site penitentiaire.justice.fr et en s’identifiant via FranceConnect.
La liste de documents à fournir est la suivante :
• un courrier qui motive la demande de permis de visite avec mention du nom de la personne détenue, son numéro d’écrou et le lien de parenté ;
• le formulaire Cerfa n° 13960*02 complété et signé ;
• 2 photos récentes d’identité ;
• une copie de la carte d’identité ;
• un justificatif de domicile datant de moins de 3 mois ;
• un certificat de concubinage, une attestation de PACS, un livret de famille ou tout autre document qui permettent d’attester du lien de parenté entre le visiteur et la personne détenue ;
• un extrait de casier judiciaire ;
• une enveloppe timbrée à l’adresse du demandeur.
En plus de ces documents « certains établissements pénitentiaires sollicitent parfois en prime un courrier du détenu autorisant le demandeur à venir lui rendre visite au parloir. » (2)

Pour obtenir un permis de visite pour une personne en attente de jugement, la demande est à adresser par courrier au juge d’instruction chargé de l’affaire ou au procureur de la République.
La liste de documents à fournir est la suivante :
• un courrier qui motive la demande de permis de visite à la personne détenue en prison ainsi que le lien de parenté qui l’unit au demandeur ;
• le formulaire Cerfa n° 13960*02 complété et signé ;
• une copie de la carte d’identité ;
• le bulletin n° 3 du casier judiciaire ;
• un justificatif de domicile ;
• deux photos d’identité ;
• une copie du livret de famille ou de tout document permettant d’établir le lien de parenté avec le détenu ;
• une enveloppe timbrée à l’adresse du demandeur.

Pour obtenir un permis de visite pour une personne mineure, la demande est à adresser par courrier au juge ou à l’établissement pénitentiaire chargés du mineur.
La liste de documents à fournir est la suivante :
• 2 photographies d’identité récentes ;
• une copie d’un titre d’identité en cours (s’il en existe un) ;
• une autorisation parentale rédigée par les deux parents de l’enfant ainsi que la copie de leurs cartes d’identité respectives ;
• une copie de la carte d’identité des accompagnants de l’enfant ;
• une lettre qui motive la raison de la demande de permis de visite pour le mineur ;
• le formulaire Cerfa n° 13960*02 complété et signé ;
• un justificatif de domicile qui mentionne l’adresse où l’enfant vit actuellement ;
• une copie du livret de famille au sein duquel l’enfant apparaît ou un acte de naissance datant de moins de 3 mois. (2)

Casier judiciaire et permis de visite en prison

Peut-avoir obtenir un permis de visite en prison malgré un casier judiciaire qui n’est pas vierge ? Bien que fournir un extrait de casier judiciaire soit obligatoire pour l’obtention d’un permis de visite en prison, ce dernier peut être délivré bien que le demandeur ait été condamné par le passé.

Quelles sont les démarches à effectuer pour devenir visiteur de prison ?

Pierre : Pour devenir visiteur de prison, j’ai dû obtenir une accréditation, ce qui a impliqué une enquête sociale et la vérification de mon casier judiciaire.
J’ai également suivi une formation spécifique, en ligne et en présentiel. Celle-ci porte sur le fonctionnement du système judiciaire, la gestion des échanges avec les personnes détenues et les précautions à prendre pour éviter les risques (chantage, manipulation, choc affectif, etc.). Le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) veille à ce que les binômes soient bien adaptés. Je peux aussi préciser les types de crimes auxquels je ne souhaite pas être confronté, comme les violences sexuelles, par exemple. J’accompagne actuellement deux détenus, mais en règle générale, les visiteurs de prison suivent entre deux et cinq personnes maximum. Il est important que les visites soient régulières, car elles permettent de créer un lien sur la durée. Bien sûr, si des difficultés surviennent, aussi bien moi que la personne détenue avons la liberté d’interrompre la relation.

Pourquoi avoir un permis de visite en prison ?

Faire la demande d’un permis de visite est la démarche indispensable et incontournable à remplir pour pouvoir visiter un proche, ami ou membre de la famille. Sans ce document il n’est pas possible de réserver un créneau de parloir, seul lieu de contact entre les personnes détenues et leurs visiteurs.

Quelles étaient vos motivations pour aller visiter en prison des personnes détenues ?

Pierre : J’ai été sensibilisé à ce monde lors de ma jeunesse. Un proche avait été incarcéré plus de 6 mois en détention provisoire, avant d’être acquitté quelques années plus tard. Cette expérience m’a marqué. À l’époque, je m’étais promis qu’un jour, je ferais quelque chose pour aider les détenus.
Mon engagement est aussi nourri par cette phrase de l’Evangile qui a résonné en moi : « J’étais en prison, et vous êtes venus me voir. » Elle a renforcé mon désir d’être présent pour ceux qui sont privés de liberté dans ces moments difficiles, sans oublier la douleur des victimes.
Via le mécénat de compétences, j’ai exploré la faisabilité de faire une mission en lien avec le monde carcéral, ce qui m’a amené vers les associations de réinsertion. J’ai ainsi découvert l’Îlot. Ce que j’y ai trouvé particulièrement marquant, c’est l’accompagnement global portant sur les « quatre piliers » sur lesquels repose la réinsertion. Ces piliers me servent aujourd’hui de repères dans mon engagement de visiteur de prison.
Ce passage m’a permis d’appréhender les grandes difficultés auxquelles ces hommes et ces femmes font face une fois leur peine purgée : addictions, mal-être, maladies psychiatriques, exclusion sociale… Tout cela complique considérablement leur retour à une vie normale.

Qui peut avoir un permis de visite en prison

La famille du détenu est bien sûr en première ligne des personnes qui demandent un permis de visite. C’est à dire l’époux/l’épouse, le conjoint/la conjointe, le concubin/la concubine, les parents, les enfants, les beaux-enfants (dans le cas d’une famille recomposée), les frères et sœurs…. Le tuteur dans le cas d’une personne mineure peut également faire cette demande.
En dehors des liens familiaux par le sang ou par alliance, les personnes qui souhaitent obtenir un droit de visite doivent faire la démonstration de l’intérêt pour la personne détenue que cette visite participe à sa réinsertion.

Quelles sont les démarches à effectuer pour devenir visiteur de prison ?

Pierre : Pour devenir visiteur de prison, j’ai contacté l’Association Nationale des Visiteurs de Prison (ANVP). 95 % des visiteurs de prison sont en effet membres de l’ANVP. Plusieurs étapes ont eu lieu : j’ai rencontré le correspondant ANVP de l’établissement pénitentiaire dans lequel je souhaitais intervenir pour m’informer sur la mission, le cadre et les obligations interdictions. Nous avons alors constitué un dossier de candidature transmis au SPIP de l’établissement (Service pénitentiaire d'insertion et de probation). Après un entretien, le SPIP procède ensuite aux vérifications nécessaires (notamment le casier judiciaire) et transmet le dossier constitué à la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires. Lorsque tout est validé, un agrément est délivré pour 2 ans et renouvelable jusqu’à la limite d’âge de 75 ans.

Dans l’établissement de Fresnes où j’interviens, un système de parrainage est mis en place : un visiteur expérimenté accompagne le nouveau visiteur lors de sa première venue pour le guider à travers le processus d’accès à la détention, et ce jusqu'au parloir avocat où ont lieu les visites.
La mission exige une disponibilité d’au moins une demi-journée par semaine, ce qui est souvent difficile pour des personnes en activité avec des charges familiales, aussi la majorité des visiteurs de prison sont des retraités.
A Fresnes les visiteurs ont l’habitude de se retrouver pour déjeuner ensemble, ce qui nous permet d’échanger sur nos expériences et de bénéficier d’un soutien entre pairs. L’ANVP organise aussi des séances de formation, des groupes de parole permettant d’échanger avec des visiteurs d’autres établissements pénitentiaires.
Un visiteur est généralement rattaché à un seul établissement, sauf exception. Pour Fresnes, le nombre de visiteurs est proche de 60. L’ANVP d’Île-de-France organise une journée annuelle d’échanges, nous permettant d’échanger sur nos expériences et d’améliorer nos pratiques.

Que faire en cas de permis de visite refusé ?

Un refus de permis de visite doit être motivé. Selon l’article 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dite « loi pénitentiaire » : « L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. » (2)

Le demandeur peut engager des recours si sa demande de permis de visite est rejetée. Il lui faut rédiger une lettre à l’Administration pénitentiaire en expliquant la situation et en justifiant l’intérêt de rendre visite à la personne détenue, en y joignant de éléments nouveaux ou des justificatifs pertinents qui pourraient influencer la réévaluation de la demande. Si le refus est annulé, le permis de visite est aussitôt délivré, dans le cas contraire le refus est définitif et il n’y a plus de recours possible.

Outre le refus, comme indiqué dans l’article 35, le permis de visite en prison peut être suspendu, voir même retiré. « La suspension du permis de visite, quant à elle, n’est que provisoire. Il s’agit là d’une sanction qui intervient à l’encontre d’un membre de la famille d’un détenu qui compromet le bon ordre lorsqu’il se rend au parloir. Moins stricte, cette mesure doit toutefois être prise au sérieux, car en cas de récidive, elle peut aboutir au retrait définitif du permis de visite. » (2)

Objets interdits, qui s’ils sont introduits au parloir, peuvent entraîner le retrait du permis de visite

  • drogues diverses (cannabis, cocaïne, ou autres stupéfiants) ;
  • alcool, cigarettes ;
  • téléphones portables, cartes SIM et chargeurs ;
  • denrées alimentaires ;
  • couteaux ou tout autre objets tranchants.

Combien de temps pour avoir un permis de visite en prison

Après avoir fait parvenir les documents exigés pour obtenir un permis de visite en prison, qu’il s’agisse de rendre visite à un prévenu ou un détenu condamné, les délais de traitement des demandes, vont de 2 à 9 semaines. Le document est adressé au demandeur par courrier.

Est-ce que le délai de traitement est supérieur lorsqu’il s’agit de visiteur de prison ?

Pierre : Le processus pour avoir une accréditation de visiteur de prison est différent de celui d’un membre de la famille, il prend entre deux et six mois. L’accréditation doit être renouvelée tous les deux ans. Elle est limitée à 75 ans, afin d’éviter les risques de manipulation ou d’intimidation, et pour s’assurer que nous conservons toutes nos capacités cognitives et physiques.

L'Îlot va à la rencontre des détenus

L’Îlot va elle-aussi à la rencontre des personnes détenues. Car l’association est convaincue que la réinsertion commence au plus tôt de la peine, donc pour les personnes condamnées à de la prison ferme, depuis l’intérieur d’établissements pénitentiaires.
Pour cela l’Îlot dispose de plusieurs programmes de retour vers l’emploi qui œuvrent à l’intérieur des murs. Ainsi le dernier Atelier et chantier d’insertion (lien vers L'Îlot | Dedans-dehors : notre premier ACI en milieu carcéral) (ACI) ouvert par l’Îlot l’a été au sein du Centre pénitentiaire de Beauvais, permettant à des personnes détenues de se former au recyclage textile et d’être accompagnées par une Conseillère en insertion pénitentiaire (CIP). Cette dernière joue un rôle capital dans l’insertion par l’activité économique (IAE) en les préparant en amont de leur sortie à la création de leur CV, à la rédaction de leurs lettres de motivation, à la recherche d’emploi, de stage ou de formation en adéquation avec un projet professionnel adapté à leurs compétences et souhaits, à la prise de rendez-vous et à l’entretien d’embauche.

En plus de l’ACI, l’Îlot a mis en place plusieurs programmes de retour vers l’emploi qui interviennent en détention, tels que « En route vers l’emploi dans le Var », les programmes d’accompagnement socio-professionnel en Île-de-France, ou dans les Hauts-de-France.

De surcroît l’Îlot est lien avec les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) des territoires où elle est implantée afin que des personnes condamnées puissent être orientées vers nos différents dispositifs et bénéficier d’un accompagnement l’Îlot à leur sortie. Une dynamique vertueuse pour favoriser la réinsertion et lutter contre la récidive.

(1) defenseursdesdroits.fr
(2) annuaire-prisons.fr

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