Au concept de récidive, nous préférerons celui plus large de « multi condamnation » qui permet de cerner des personnes condamnées, sans être forcément en état de récidive ou de réitération, deux situations qui impliquent qu’une nouvelle infraction ait été commise et sanctionnée après une première condamnation. Plus globalement, la multi condamnation permet de décrire le phénomène de délinquance répétée et sanctionnée par une condamnation.
Entre 2005 et 2014, parmi les 3 132 300 personnes sanctionnées, 42 % affichaient plusieurs condamnations successives. Or, être en situation de récidive n’a pas le même impact sur le prononcé des peines par les juges : celles-ci sont en effet plus sévères quand la personne a déjà un casier judiciaire fourni. Dans le cas des atteintes aux personnes ou aux biens, la part des emprisonnements fermes encourue progresse de 15 à 20 points au détriment du sursis total et surtout l’accompagnement socio-professionnel disparaît dans les situations de récidive. Accompagnement qui a pourtant un rôle crucial dans la sortie de la délinquance.
La loi de programmation et de réforme pour la justice
Face au taux important de multi condamnation, la réforme de la justice de la loi de programmation 2018-2022 souhaite instaurer une nouvelle échelle des peines pour éviter des courtes peines d’emprisonnement, qui n’empêchent pas la récidive et sont souvent très désocialisantes.
Principale idée de l'exécutif en matière pénale : adapter les modalités d'exécution des peines de prison en fonction de leur durée (1 mois, 6 mois, 1 an...) afin, selon le Président Emmanuel Macron, de leur « redonner du sens ». Pour les courtes peines, le gouvernement souhaite appliquer le principe suivant : toute peine inférieure ou égale à 6 mois de prison ferme doit, par principe, être aménagée (article 132-25 du Code pénal). En d'autres termes, une personne condamnée à 6 mois de d'emprisonnement ou moins n'irait pas en prison mais ferait l'objet d'un aménagement de peine. Ces peines pourront être effectuées sous surveillance électronique ou sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur. Toutes seront accompagnées d'un suivi socio-éducatif piloté par les Services pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP).
La nouvelle loi prévoit aussi de développer les peines alternatives à la prison comme les travaux d’intérêt général (TIG), d’instaurer le sursis probatoire (SP), de systématiser la libération sous contrainte, dispositif où une personne condamnée à une peine d’une durée inférieure ou égale à cinq ans doit achever le dernier tiers de sa peine en dehors de la détention pour éviter les sorties sèches. Ainsi, la libération sous contrainte sera-t-elle octroyée par principe, le Juge de l’Application des Peines (JAP) ne pouvant la refuser que par une décision spéciale.
Récidive et prison
Audrey Farrugia, magistrate, sous-directrice de l'insertion et de la probation à la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la Justice expliquait en juillet 2020 : « la nouvelle échelle des peines a pour objectif de limiter le prononcé de courtes peines d’emprisonnement. Sa mise en œuvre permettra de réguler la surpopulation carcérale et donc de mettre en place, pour les peines mises à exécution, un réel parcours de peine, dès la détention et après la sortie de prison. Cela permettra d'apporter de meilleures garanties de réinsertion et de lutte contre la récidive. »
La rupture avec son environnement et la désocialisation qu’entraîne l’emprisonnement sont deux facteurs majeurs qui jouent dans le risque de récidive à la sortie de la prison. Le taux de récidive semble être corrélé aux conditions de sortie des personnes incarcérées. De 63% en « sortie sèche » (c’est-à-dire sans aucun accompagnement du SPIP ni aménagement de peine à la sortie d’incarcération), il passe à 39% pour les personnes incarcérées et libérées en libération conditionnelle et seulement 34% après une peine de Travail d’Intérêt Général (TIG). La prison est le lieu où s’aggravent les risques de désocialisation et de rencontre avec d’autres formes de délinquance.
Le point de vue de l’Îlot sur la récidive
Avec plus de 50 ans d’expérience dans l’accompagnement des personnes sortant de prison, l’Îlot fait le constat que la sortie de la délinquance est le fruit d’un long processus, composé d’arrêts temporaires et de rechutes. La cadre que nous proposons dans nos établissements permet de quitter le style de vie délinquant en changeant de lieu de résidence et de fréquentations. Par ailleurs, nous attachons une attention toute particulière à ouvrir nos centres d’hébergement vers l’extérieur afin de proposer une mixité sociale qui permette aux personnes accompagnées de redéfinir leur projet de vie. Cela passe par l’accueil d’activités culturelles, sportives, de conférences, par la présence de bénévoles au sein de nos établissements, etc.
Enfin, à l’instar du programme Parcours élaboré par Denis Lafortune, professeur titulaire à l’école de criminologie de l’université de Montréal, nous amenons les personnes à remettre en question leur mode de vie délictuelle, à se questionner sur ce qui les a conduits au passage à l’acte puis à remplacer leurs anciennes croyances par de nouvelles qui soient dans le respect des normes inhérentes à la vie en société.