01/11/2021

La réinsertion par l’emploi du public justice

Après une peine de prison, même courte, l’accès à l’emploi est compliqué. Par manque de qualification, d’expérience ou de réseau professionnel, trouver un travail s’avère parfois impossible.

Pourquoi est-ce si difficile de trouver un emploi quand on a connu la prison ?

On trouve dans les prisons françaises, une très forte majorité d’hommes, relativement jeunes, sans revenu, aux liens familiaux plus souvent distendus que dans le reste de la population, et fréquemment sans emploi ou moment de l’incarcération, d’un niveau scolaire inférieur à la moyenne. En effet, d’après la dernière étude du ministère de la Justice, 81 % des personnes sortant de prison ne sont pas titulaires d’un baccalauréat et 64% ont un niveau collège ou inférieur. Seules 15% des personnes sortant de prison dont la durée d’écrou est inférieure à 6 mois ont exercé un travail dans un établissement pénitentiaire(1). Travailler en prison devient de plus en plus un privilège. En effet, le taux de personnes détenues qui travaillent est en baisse depuis une vingtaine d’années. En 2000, 46,5% de personnes détenues exerçaient une activité rémunérée, chiffre qui baisse à 28% en 2019 (source CESE, La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes, Avis de 2019).

Or, le travail en prison permet le développement d'habiletés sociales et d’exigences en vigueur auprès d’un employeur telles que le respect des horaires, de la hiérarchie, du travail en équipe ainsi que l’acquisition de compétences professionnelles. Permettre aux personnes incarcérées de travailler, c’est offrir des outils d’insertion à une population qui, comme nous l’avons vu, n’a généralement pas de diplôme, de formation, voire peu expérience du monde du travail.

La population des personnes sous main de justice est socialement défavorisée et éprouve de grandes difficultés à trouver un emploi après un passage en prison. Or, sans emploi les risques de récidive sont importants. Comment se réinsérer quand on ne peut accéder à un logement, ni pourvoir à ses besoins de base.
Le casier judiciaire, un obstacle de plus vers la réinsertion professionnelle des personnes sortant de prison

Trouver un travail n'est pas évident, mais la tâche est encore plus compliquée lorsqu'on a un casier judiciaire.

Les employeurs sont en effet réticents à l'idée d'engager une personne ayant un passé, même mineur, avec la justice. Pourtant, En France, l’employeur est confronté à un principe général d’interdiction de vérification des antécédents judiciaires d’après le Code civil qui stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». D’après le Code du travail, les informations demandées lors du recrutement ou en cours de poste doivent « présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». Dans la réalité, avoir des condamnations inscrites dans son casier judiciaire empêche d’accéder à de nombreux emplois. Ces restrictions sont parfois évidentes (une personne condamnée pour vol ou braquage ne pourra pas travailler dans une banque) mais d’autres posent question comme de nombreux métiers de la fonction publique. D’autre part, « l’employeur peut décider d’écarter le candidat à l’embauche du processus de recrutement ou de licencier le salarié en poste par défaut de communication du casier judiciaire(2) ». En pratique, les personnes avec un casier judiciaire non vierge éprouvent des difficultés à trouver un emploi. En plus d’un manque de formation et d’expérience de travail, elles sont confrontées à de solides préjugés négatifs et une discrimination évidente de la part des employeurs.

Le travail de l’Îlot pour favoriser la réinsertion professionnelle

Pour l’Îlot, la réussite de la réinsertion passe par l’accès ou le retour à l’emploi. C’est pourquoi nous avons développé depuis plus de 30 ans tout un panel de dispositifs permettant de faciliter la mise au travail des personnes placées sous main de justice.

Nos ateliers et chantiers d’insertion

L’Îlot dispose de deux dispositifs de retour à l’emploi : les Ateliers et chantiers d’insertion (ACI) et les Ateliers Qualification-Insertion (AQI). Les Ateliers chantiers d’insertion d’Amiens proposent un apprentissage d’un métier dans trois secteurs d’activité : la restauration, la menuiserie, la mécanique et le nettoyage automobile. Chaque année, ce sont environ 120 personnes sortant de prison ou confrontées au chômage de longue durée qui ont été embauchées en Contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). Elles reprennent ainsi une activité et se forment au contact de nos encadrants techniques dans des conditions réelles de production. Les AQI d’Amiens et d'Île-de-France proposent quant à eux, une formation d’une durée de 8 mois au titre d’agent de restauration collective. Les stagiaires sont recrutés en CDDI de façon à leur donner les moyens financiers de suivre ce cursus. L’obtention du diplôme et deux stages d’application en entreprise concrétisent cette formation et donnent un bagage supplémentaire au salarié en insertion pour préparer son nouveau départ.

Nos autres dispositifs d’accès à l’emploi

Lancée en 2016 avec le SPIP de Seine-Saint- Denis, la Session d’orientation approfondie (SOA) propose un programme intensif d’accompagnement professionnel. Les personnes détenues qui s’engagent dans une SOA bénéficient d’un aménagement de peine accordé par le SPIP et le juge d’application des peines. Le programme proposé dure 2 mois et alterne des ateliers collectifs et des entretiens individuels avec un professionnel de l’insertion. Tout au long de ces 2 mois, un groupe de 6 à 12 personnes apprend à se connaître et à s'entraider, chacun étant amené à revoir son comportement et ses préjugés, et surtout à construire un projet professionnel réaliste. A l'issue du programme, ceux qui le souhaitent peuvent être accompagnés dès les 6 mois qui suivent dans leur recherche d'emploi ou dans la résolution des difficultés qui freinent leur insertion professionnelle.

Fin 2019, l’Îlot a co-construit un nouveau projet avec la Maison d’arrêt et le SPIP d’Amiens, pour permettre la réinsertion au plus tôt dès l’exécution de la peine pour les personnes en semi-liberté. Cette expérimentation a pour objectif d’aider ces personnes en aménagement de peine à utiliser leur temps passé hors les murs pour élaborer leur projet professionnel. Constatant les difficultés pour nos bénéficiaires de se projeter vers l’emploi, la conseillère en insertion professionnelle de l’Îlot et les partenaires institutionnels et associatifs ont marqué une attention particulière à la situation de chaque parcours de vie. Pour guider les participants vers un positionnement professionnel adapté et réaliste, ils les ont aidés à refaire leur CV, à identifier leurs freins à l’employabilité, à réaliser des démarches administratives, à rechercher un logement ou encore à activer des dispositifs de formation ou de remise à niveau. Un accent a été mis sur l’acquisition des savoirs de base.

L’accompagnement par nos conseillers en insertion professionnelle et nos travailleurs sociaux

Dans nos Ateliers chantiers d’insertion (ACI), nos Ateliers Qualification-Insertion (AQI), notre Session d’orientation approfondie (SOA) et dans nos CHRS, les Conseillers en insertion professionnelle (CIP) appuient les bénéficiaires dans la construction d’un projet professionnel durable en adéquation avec leurs souhaits. Ils les accompagnent dans l’apprentissage de la rédaction d’un CV et des comportements à adopter.
Des offres d’emploi sont affichées dans nos établissements, tant dans nos centres d’hébergement que dans nos chantiers d’insertion. Bien souvent, des bénévoles interviennent pour guider nos bénéficiaires dans leurs recherches. Sur Amiens, nos équipes d’insertion participent à des journées dédiées au retour à l’emploi organisées par l’ensemble des acteurs territoriaux. Ainsi, l’Îlot participe régulièrement au forum de l’emploi organisé à la maison d’arrêt d’Amiens où une quarantaine de personnes détenues sont reçues en entretien par nos deux conseillers en insertion professionnelle.

Pour l’Îlot, l’emploi reste plus que jamais une des clés principales pour accéder à une réinsertion réussie et durable. Grâce au travail, la journée est rythmée, c’est un lieu de sociabilisation fort, et la personne retrouve une place dans la société en y contribuant économiquement. Autant d’éléments qui font de l’emploi un des piliers principaux de lutte contre la récidive.

(1) « Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison » Infostat Justice n°183, juillet 2021 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_183.pdf
(2) Droit social « Les antécédents judiciaires des salariés : de quels leviers dispose l’employeur pour contourner le sacrosaint principe du respect de la vie privée ? » Emilie Ducorps-Prouvost, Nov. 2012, p.4

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