17/10/2025

Échange avec Thierry*, TIGiste

Après seulement quelques jours de TIG pédagogique à l’Îlot, Thierry témoigne de l’impact d’un dispositif pensé pour accélérer le retour à l’emploi.

Le Travail d’intérêt général (TIG) est une mesure pénale, alternative à l’incarcération. La personne condamnée doit s’acquitter d’heures de travail non rémunéré au sein d’une structure à but non lucratif.
À l’Îlot, nous avons choisi de transformer cette contrainte en véritable levier de réinsertion. Nous avons conçu le parcours TIG pédagogique, qui permet aux personnes condamnées de consacrer leurs heures à une remobilisation vers l’emploi.
Ce dispositif unique en son genre place l’Îlot au cœur d’un accompagnement concret : travailler le projet professionnel, favoriser l’insertion dans le monde du travail et ouvrir la voie à une seconde chance. Parce que l’accès à l’emploi est un facteur déterminant pour prévenir la récidive.
La pertinence de ce dispositif est reconnue par les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Ainsi, le nombre d’orientations a été multiplié par 4 par rapport à l’année précédente, sur les 6 sessions organisées en Île-de-France.

Votre condamnation à un TIG a été décidée directement par le juge ou bien plus tard, lors d’un aménagement de peine ?

Plus tard... J’ai été condamné à de la détention. C’était de la prison, je ne saurais plus dire exactement combien, mais il y avait une partie ferme et une partie avec sursis. J’étais alcoolique. J’ai fait des choses que je n’aurais pas dû. J’ai fait de la garde à vue, puis je suis passé en comparution immédiate. Comme j’avais un emploi à ce moment-là, mon avocat a plaidé que si on m’enfermait, ma vie serait détruite. Finalement, le magistrat a aménagé ma peine, il m’a donné du sursis et de la Détention à domicile sous surveillance électronique assortie d’obligations de soins vis-à-vis de mon addiction à l’alcool, plus 140 heures de TIG.

Quelles obligations le juge vous a-t-il fixées ?

Mes obligations de soins : faire une cure de désintoxication, avoir un suivi avec un addictologue et aussi un suivi psy. Par le passé j’avais fait plusieurs cures, mais ça ne marchait pas. Il y a quelques mois, j’ai eu un déclic, j’en ai eu marre, j’ai décidé de diminuer l’alcool petit à petit, et aujourd’hui je ne bois plus. J’ai aussi un curateur qui s’occupe de mon argent.

L’Îlot face aux addictions

Être sobre est non seulement nécessaire pour envisager une réinsertion durable dans la société mais cela peut également faire partie des conditions de suivi judiciaire des personnes qui sont encore sous main de justice.
Pour le traitement des addictions des personnes accompagnées, les équipes de l’Îlot ont noué plusieurs partenariats avec des structures spécialisées comme les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) et les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) pour faciliter l’accompagnement vers le sevrage.

Comment en êtes-vous arrivé à intégrer le TIG pédagogique proposé par l’Îlot ?

J’ai 140 heures de TIG à faire. Le CPIP (Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) m’a proposé de faire 25 heures de TIG pédagogique à l’Îlot.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter ce TIG un peu particulier ?

C’était un peu par hasard, et je ne regrette vraiment pas ces 25 heures. Un TIG classique, pour moi, c’est une punition. Celui-ci, au contraire, c’est que du positif, ici on travaille vraiment sur notre projet professionnel.

Aviez-vous déjà un projet professionnel en tête avant de commencer ?

Oui, j’aimerais travailler dans le contrôle technique automobile. Maintenant, ce projet s’est élargi à la restauration de véhicules historiques.

Comment s’est passée votre semaine de TIG pédagogique, concrètement ?

Les quatre premiers jours, on était en groupe pour faire des ateliers. On a travaillé le CV et fait des mises en situation concrètes. Le dernier jour, c’était une présentation finale, comme un entretien d’embauche.

En seulement 25 heures, avez-vous le sentiment que ce programme a changé quelque chose pour vous ?

Oui, même en 25 heures, mon projet est plus concret et plus réaliste qu’avant. Ma référente de l’Îlot m’a donné de la documentation, des liens pour faire des formations pour rendre mon projet réalisable. Elle m’a aussi donné des infos précises sur les aides et les financements que je peux demander pour faire ces formations. J’ai appris à qui m’adresser, et découvert des outils utiles, comme le site CV Designer.
Même si j’ai terminé ma semaine de TIG pédagogique, j’ai gardé contact avec elle. Elle m’aide beaucoup. Il y a une vraie relation de confiance : quand j’ai un problème, je lui envoie un mail, elle me répond, m’envoie des infos.

Après avoir effectué leurs heures obligatoires, les TIGistes qui le souhaitent peuvent bénéficier d’un accompagnement par une Conseillère en insertion professionnelle ou un chargé de mission emploi de l’Îlot, pouvant aller jusqu’à 6 mois.

Pensez-vous que ce type d’accompagnement peut vraiment aider à éviter de retomber dans la récidive ?

Oui, parce qu’on repart avec des outils concrets pour construire autre chose.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

La simplicité et le côté concret des ateliers. On repart avec des choses en main : un vrai CV, des pistes de formation, des contacts.

Et maintenant, comment imaginez-vous votre avenir à court terme ?

À court terme, entrer en formation : carrosserie, mécanique, restauration de véhicules. J’ai déjà pris contact avec des écoles, avec Cap Emploi. J’attends aussi de voir comment mes heures restantes de TIG, mon bracelet électronique et mon sursis vont s’organiser.

Donc vous êtes également sous bracelet électronique (DDSE : Détention à domicile sous surveillance électronique), comment cela s’organise ?

Je vis chez mes parents maintenant car j’ai divorcé et j’ai fait une dépression. J’ai deux enfants en garde alternée. Grâce au bracelet, je peux vivre avec eux. Mais j’ai des horaires à respecter, c’est quand même très restreint. Mes autorisations de sortie, c’est de 9h à 17h30 en semaine, et de 10h à 18h le week-end et les jours fériés. Donc je ne peux pas accompagner les enfants à l’école, ce sont mes parents qui s’en chargent. Pour demander un aménagement des horaires, c’est compliqué, il faut pouvoir le justifier, comme là avec ma semaine de TIG, et il faut passer par le SPIP et le JAP. Là, je peux chercher du travail ou des formations.

Au quotidien, comment vivez-vous le port d’un bracelet électronique ?

J’ai un boîtier chez mes parents. Si je sors hors de mes horaires, ça sonne directement sur mon téléphone. Si je ne réponds pas, c’est la police qui vient. Le périmètre est très précis : même si je traverse la cour jusqu’au garage, le système le détecte.
Le Positif : ça évite la prison, ça me permet de voir mes enfants. Le négatif : pas de vacances, pas de sorties en dehors de mes horaires. Franchement, c’est contraignant. Les soirées, c’est fini. Mais quelque part, ça aide à se recadrer.
En plus du bracelet, il faut aussi justifier toutes les démarches demandées par le juge : recherche d’emploi, suivi de soins, etc. La DDSE, ce n’est pas “rester dans le canapé à regarder la télé”. J’ai l’impression de faire partie de la société, mais avec beaucoup de limites.

Il y a plus de quinze ans, l’Îlot a été pionnière en devenant la première association à accueillir des personnes placées sous bracelet électronique au sein de l’un de ses Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). En plus de l’accompagnement socio-éducatif proposé à tous les résidents, les travailleurs sociaux de l’Îlot les sensibilisent au respect de leurs obligations judiciaires et favorisent ainsi le processus de désistance, c’est-à-dire le renoncement à leurs comportements délictueux.

*le prénom a été modifié

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