Parce qu’un emprisonnement est souvent synonyme de rupture avec sa vie d’avant, la sortie d’une personne détenue doit se préparer plusieurs semaines avant sa libération, afin de rendre fluide son retour dans la société. En théorie cela est prévu par l’administration pénitentiaire, mais un Conseiller pénitentiaire d’insertion et probation (CPIP) peut avoir à sa charge le suivi de 90 à 120 personnes détenues. Il lui est donc impossible d’accompagner toutes les personnes incarcérées dans la préparation de leur sortie. Entre CPIP surchargés, donc peu disponibles, et l’interdiction en milieu carcéral d’avoir un accès à internet, la plupart des personnes détenues quittent la prison, sans préparation ni accompagnement social, avec juste en main un petit pécule - s’il y en a - et leur billet de sortie. Ce document remis à chaque détenu lors de la levée d’écrou atteste de la régularité de la libération. Ce document, dont aucun duplicata ne sera délivré, doit être conservé avec un grand soin car il est requis pour la plupart des démarches qui doivent être effectuées après la sortie de prison. Ces démarches sont incontournables pour pouvoir obtenir un logement, trouver un emploi et accéder à des soins médicaux. L’accompagnement global et personnalisé que l’Îlot dispense à chacun de ses bénéficiaires, vise à atteindre ces trois objectifs et aussi à recréer des liens sociaux et familiaux. C’est grâce à cela que les personnes détenues peuvent se réinsérer et retrouver une place dans la société.
SORTIE DE PRISON SANS LOGEMENT : COMMENT FAIRE ?
À la sortie d’établissement pénitentiaire, il est impératif de se trouver un toit, un domicile fixe. Difficile de réussir à signer un bail pour les sortants de prison sans logement : les propriétaires exigent des papiers en règle, des revenus et des garants ! Il existe cependant une aide à laquelle une personne sortant de prison peut éventuellement prétendre : le Fond de solidarité logement (FSL). Ce dernier peut, selon les situations, prendre en charge le dépôt de garantie, se porter caution auprès du propriétaire, payer le premier mois de loyer, prendre en charge les frais d’ouverture de compteurs (gaz, électricité, eau), d’agence et de mobilier de première nécessité. Pour constituer une demande, il faut que la personne sortant de prison s’adresse soit au conseil départemental dont elle dépend, soit à l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL) ou à la CAF. Il est aussi possible de déposer un dossier pour obtenir un logement social auprès des bailleurs sociaux publics. La personne obtient alors un Numéro unique départemental (NUD), valable pour tous les bailleurs sociaux. Mais pour pouvoir constituer son dossier, il est impératif de fournir l’avis d’imposition N-1. La personne sortant de prison doit donc prendre attache auprès du centre des impôts. Le billet de sortie sera alors le document indispensable pour obtenir du centre des impôts un avis de non-imposition.
Non seulement ces démarches sont peu connues de la grande majorité des personnes mais elles prennent du temps et nécessitent un accompagnement social or le besoin d’un toit est immédiat. Aussi pour les personnes sortant de prison qui se retrouvent sans logement ou ne peuvent être hébergées par un proche, la situation est difficile. Une des solutions est de s’adresser à une association comme l'Îlot pour retrouver ses repères et être accompagné. L’Îlot est dotée de 5 structures d’accueil et d’hébergement permettant d’accueillir des sortants de prison sans logement : 4 Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et 1 Centre d’hébergement d’urgence (CHU). Elle offre également aux personnes plus proches de l’autonomie la possibilité de rejoindre deux autres dispositifs d’hébergement : l’intermédiation locative ou des logements en diffus. L’hébergement dans un établissement de l’Îlot s’accompagne systématiquement d’un accompagnement des personnes, d’un appui socio-éducatif et administratif individuel. Excepté pour les personnes hébergées en journée ou pour une nuit dans notre CHU, toute personne accueillie dans un établissement de l’Îlot est suivie par un travailleur social pour élaborer avec elle un projet de réinsertion individualisé.
La réinsertion professionnelle quand on sort de prison
Il est indispensable afin de subvenir à ses besoins d’avoir des revenus, donc un emploi. Il est très compliqué de s’intégrer au marché du travail au sortir de prison. Aussi, afin d’augmenter leurs chances d’en trouver un, il est pertinent pour les personnes sortant de prison, souvent peu qualifiées, d’intégrer des dispositifs de retour à l’emploi. L’Îlot propose des Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI) et des Ateliers Qualification-Insertion (AQI), outils d’insertion professionnelle. Les ACI permettent d’apprendre un métier tout en travaillant, grâce au compagnonnage prodigué par un encadrant technique spécialisé dans la formation de personnes très éloignées de l’emploi. Les AQI délivrent, en 9 mois de formation qualifiante, un diplôme d’agent de restauration collective, un secteur qui recrute activement. En 2022, 155 personnes ont été accompagnées dans nos Ateliers et Chantiers d’Insertion et Ateliers Qualification-Insertion : 60 % de celles qui en sont sorties ont trouvé un travail ou une formation.
Voir aussi : Femme en prison : Comment se reconstruire après l'incarcération ?
Pour pouvoir rejoindre nos dispositifs de retour à l’emploi, les personnes sortant de prison sont le plus souvent orientées vers notre association soit par un organisme d’accompagnement vers l’emploi, tel que la Mission locale ou Pôle emploi Justice, soit par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). L’accès à ces formations n’est ouvert qu’à des personnes sans ressources ou à des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA). Les personnes sortant de prison peuvent prétendre, selon leur profil, au RSA destiné aux plus de 25 ans. C’est auprès de la CAF, qu’il faut déposer cette demande. Si le délai de traitement s’est raccourci - 10-15 jours entre le dépôt de dossier et le retour de la CAF - il faut télécharger et remplir un document CERFA afin de constituer le dossier de demande de RSA. Une démarche infaisable pour qui n’est pas équipé et familier d’internet. Claire Hédon, Défenseur des droits, rapportait en juillet que les personnes en situation de précarité sociale "vivent les démarches numériques comme un obstacle parfois insurmontable, alors que, pour elles, l’accès aux droits sociaux revêt un caractère vital". Ce qui est le cas des sortants de prison. Ils sont particulièrement touchés par la fracture numérique : ils cumulent le plus souvent l’illectronisme et l’absence d’équipement informatique.
Aussi, l’Îlot apporte à celles et ceux qu’elle accompagne, une aide active pour réaliser ces démarches administratives en ligne, remplir les dossiers, obtenir les documents et faciliter l’accès à leurs droits. Dolorès, éducatrice spécialisée travaillant au sein de notre CHRS les Augustins à Amiens, explique que « certaines personnes accompagnées n’ont jamais rempli un document administratif ». Les éducateurs spécialisés de l’Îlot jouent un rôle majeur dans la régularisation des droits et la remise en état de la situation administrative des personnes accompagnées. Mais l’objectif de l’Îlot est surtout de leur donner les moyens pour que progressivement elles gagnent en autonomie. Aussi, tous ses établissements évaluent les savoirs de base des bénéficiaires, dans le but de leur permettre d’acquérir les fondamentaux : parler et écrire français, naviguer un minimum sur internet, gérer les démarches administratives … toutes ces choses qui, lorsqu’elles ne sont pas acquises, se révèlent être un frein pour se réinsérer dans la société.L’Îlot met en libre accès des ordinateurs de sorte que les bénéficiaires soient à l’aise et indépendants face au monde numérique.
L’Îlot a la conviction qu’il est primordial de préparer en amont, c’est-à-dire pendant le temps d’incarcération, l’éligibilité au RSA des personnes détenues. Ce qui serait un précieux gain de temps pour les personnes écrouées et un élément rassurant quant au retour à une vie hors de la prison.