03/03/2023

État psychiatrique des sortants de prison

Troubles psychotiques aigus, anxiété, dépressions, addictions, pensées suicidaires, …, les personnes souffrant de troubles de santé mentale sont surreprésentées en prison. La détention dégrade davantage cette fragilité. Quelle prise en charge de ces pathologies ? Existe-t-elle pendant et après l’incarcération ?

Etat psychiatrique dans les prisons

Les études sur la santé mentale en prison sont rares en raison de la difficulté de créer et analyser une cohorte représentative, stable et accessible dans le milieu pénitentiaire. Aussi l’étude de référence date de 2003, elle a été réalisée par le mathématicien, psychiatre et universitaire français Bruno Falissard et son équipe. Selon cette étude « 8 hommes sur 10 et plus de 7 femmes sur 10 incarcérées présentent au moins un trouble psychiatrique, et la grande majorité cumule plusieurs troubles. En termes de prévalence des troubles psychiatriques, les résultats sont les suivants : 56 % ont un trouble anxieux, 47 % ont un trouble de l’humeur avec 4.7 % de trouble bipolaire, 37.9 % ont une dépendance aux substances illicites, 31.2 % ont une dépendance à l’alcool, 21.4 % ont un trouble psychotique avec 7% de schizophrénie, 40.8 % ont un syndrome dépressif, 28 % ont un trouble de la personnalité de type dyssocial chez les hommes, 14 % ont un trouble de la personnalité de type dyssocial chez les femmes.»(1)

Il est difficile de dire dans quelles proportions ces troubles de santé mentale sont antérieurs à l’incarcération. Car, par phénomène de décompensation due au stress, à l’enfermement, à la promiscuité et la difficulté de se projeter, la prison amplifie les problèmes de santé mentale et d’addictologie. Cette « prison psychiatrique » est un véritable problème de santé publique auquel l’administration pénale doit faire face.

Psychiatrie et prison : quelle prise en charge de la santé mentale des personnes détenues ?

Pour prendre en charge les personnes détenues souffrant de troubles mentaux l’Etat a créé plusieurs dispositifs.

L’Unité sanitaire en milieu pénitentiaire, l’USMP.

Cette unité médicale, où les personnes détenues peuvent être reçues en ambulatoire, est présente au sein de tous les établissements pénitentiaires. Bien qu’à l’intérieur des prisons, cette unité de prise en charge sanitaire des personnes détenues est assurée, depuis la loi du 18 janvier 1994, par le service public hospitalier. Chaque USMP est jumelée à un établissement de santé, dont les professionnels soignants - médecins, infirmiers - viennent assurer en détention les consultations, les soins somatiques et psy.

Le Service médico-psychologiques régional, SPMR.

Ce service, installé au cœur d’établissements pénitentiaires, vient en relais des USMP. Pour les 188 établissements pénitenciers français, il existe 26 SPMR. Chacun est destiné à recevoir des personnes détenues de l’établissement ainsi que celles des prisons du secteur pénitentiaire qui n’ont pas leur propre SMPR. Ce service fonctionne comme un hôpital de jour en milieu ouvert, où les soignants ne sont présents qu’en journée.

Le Service médico-psychologique régional a plusieurs missions :

  • dépister d’éventuels troubles psychiques à l’entrée de chaque nouvelle personne écrouée via un entretien d’accueil ;
  • d’assurer les soins médico-psychologiques et la prise en charge psychologique et/ou psychiatrique des personnes détenues souffrant de troubles psy;
  • préparer le suivi psychologique et/ou psychiatrique à l’extérieur de la prison et faire le suivi post pénal des patients sortants de détention ;
  • lutter contre les addictions aux substances illicites comme licites.

L’Unité hospitalière spécialement aménagée, UHSA.

Créée en septembre 2002, via la loi Perben relative à l’orientation et à la programmation de la justice, pour faire face à l’importance des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire. Contrairement au SMPR, l’USHA est située à l’extérieur d’un centre pénitencier, dans un établissement public de santé. Cette unité prend en charge des personnes écrouées nécessitant une hospitalisation complète pour recevoir des soins psychiatriques.

Toutefois, la surpopulation carcérale, la répartition des 26 SPMR ainsi que la difficulté de réaliser des extractions pour mener et ramener une personne écrouée du centre pénitentiaire au centre hospitalier ne permettent pas d’offrir de façon égale et optimum, une prise charge thérapeutique adaptée aux divers troubles de santé mentale de chacune des personnes détenues, ou d’assurer un suivi de soins dedans-dehors.

La prise en charge par l’Îlot de la santé mentale de ses bénéficiaires

Le public accueilli par l’Îlot présente souvent des troubles psychologiques, voir psychiatriques, aggravés par la dynamique d’errance imposée aux sans domicile fixe et l’incarcération. Le bien-être et la santé mentale des personnes sont particulièrement pris en compte dans notre accompagnement socio-éducatif. Cela est primordial pour assurer la continuité des soins psychiatriques initiés en prison. Grâce au savoir-faire des travailleurs sociaux de l’Îlot nos équipes amènent une personne à prendre rendez-vous avec un psychologue et l’incitent à entrer dans une démarche de soins sur le long terme. Les personnes accompagnées vont alors oser mettre des mots sur leur parcours et accepter d’entrer dans une démarche thérapeutique.

Par exemple, l’équipe du Centre d’hébergement d’urgence, CHU, la Passerelle de l’Îlot a formalisé un nouveau partenariat avec la Maison d’arrêt d’Amiens afin d’assurer le suivi psy des sortants de prison. L’équipe de soignants de l’USMP prévient en amont les travailleurs sociaux de la Passerelle des éventuels troubles et traitements nécessaires des personnes que le CHU va accueillir. Dans la foulée un relais avec le Centre médico-psychologique, CMP, est mis en place pour en assurer la continuité dans les soins.

Dans un autre de nos CHRS, Chemin Vert, deux travailleurs sociaux de l’Îlot rencontrent toutes les 8 semaines l’intégralité de l’équipe du Centre médico-psychologique République, composée d’un médecin psychiatre, d’un psychologue et d’infirmières. La mise en place d’interlocuteurs fixes a permis de stabiliser et de développer les relations de partenariat avec le CMP.

Pour l’Îlot permettre au public justice accompagné d’avoir un suivi psychologique et/ou psychiatrique fait partie du processus de réinsertion sociale durable.

Recouvrer une santé mentale est indispensable pour pouvoir réintégrer la société. Il est important de prendre en considération l’état psychiatrique des sortants de prison.

(1) « Santé mentale des patients hospitalisés à l’UHSA de Nancy. Etude descriptive et rétrospective de 186 patients » par Maureen Floquet, FALISSARD B, ROUILLON F, DUBURCQ A, FAGNANI F. Enquête de prévalence sur les troubles psychiatriques en milieu carcéral. 2004 p. 283.

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