21/01/2025

Accompagner le public justice

Rencontre avec Carine Romain, éducatrice spécialisée au sein du Centre d'hébergement et de réinsertion sociale les Augustins

QUAND AVEZ-VOUS COMMENCE A TRAVAILLER A L’ÎLOT ?

J'ai débuté à l'Îlot comme bénévole au Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Thuillier en 2011. Je souhaitais aider les femmes victimes de violences conjugales. Je ne suis pas restée longtemps bénévole car on m'a offert un poste en CDD, puis très vite on m'a proposé un CDI. Tout au long de mon parcours j’ai suivi des formations et obtenu des diplômes pour monter en compétences, tout en continuant à accompagner des femmes victimes de violences. De plus, le travail social évolue constamment, il y a une aggravation des difficultés, on ne peut plus fonctionner de la même façon. Le public de justice que j’accompagne aujourd’hui au Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) les Augustins est très différent de celui dont je m’occupais à mes débuts, c'est une découverte.

POURQUOI AVOIR CHOISI DE TRAVAILLER AU CHRS LES AUGUSTINS ?

Travailler avec des sortants de prison ou des Personnes placées sous main de justice (PPSMJ) n’était pas une demande de ma part, mais une proposition de l'Îlot. J'en suis très contente, cela m'a fait découvrir d'autres profils. C'est enrichissant en termes de rencontres et d'expériences. Tout de suite, le travail avec le public justice m'a plu. Il m’a fallu me familiariser avec le lexique particulier de l’administration pénitentiaire et les mesures judiciaires. Exercer auprès des PPSMJ exige que nous soyons en veille car les mesures évoluent constamment.

QUELLES SONT LES PARTICULARITES D’ACCOMPAGNEMENT DE CE PUBLIC ?

Au Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) les Augustins, le public justice accueilli a connu des parcours d'incarcération plus ou moins longs. Accompagner des personnes qui ont eu une longue peine d'incarcération demande de savoir écouter car, pour eux, être hors les murs, c'est compliqué. Marcher dehors, c'est compliqué. Tout ce qui est administratif, c'est compliqué. Tout est compliqué. De plus ils ont l'impression que tout le monde sait qu'ils sortent de prison. Ils ont perdu le rythme car pendant plusieurs années, tout a été décidé pour eux. Cela prend du temps pour s'estomper.

A leur arrivée ils sont souvent sans ressources car l'ouverture des droits n'est pas réalisée. C’est-à-dire même si on priorise ce point d’accompagnement, cela prend du temps avant qu’elle soit effective. Sans l’ouverture de leurs droits, ils ne peuvent rien faire et ils sont frustrés de ne pas pouvoir avancer. Cela demande beaucoup de travail et de savoir-faire pour contenir leur mal-être.
Dès que les droits sont ouverts, les sourires reviennent, tout se passe avec plus de sérénité. Il est alors possible de parler santé, emploi, logement, etc. Ces démarches prennent du temps car il faut les faire avec eux, sinon, on ne les aide pas à apprendre à les faire, ni à retrouver leur autonomie.

De surcroît, il y a les mesures judiciaires à faire respecter, il faut de l'organisation pour leur permettre de les suivre jusqu'au bout de la mesure. Même si hélas il y a un retour en incarcération, le travail qui a été fait n’est pas vain, il reste en mémoire. Certains formulent la demande de revenir au CHRS les Augustins car ils sont conscients et satisfaits du travail d’accompagnement qui a été fait avant d’être interrompu.

Il y a également des problématiques liées à l'addiction. Nombre sont allés en prison pour des troubles causés sous état d'ébriété. Ils ont en plus des problèmes psychologiques, et de consommation de stupéfiants. Donc nous menons en parallèle de l'accompagnement administratif, celui des soins via les partenariats avec le Mail, l'addiction France, les CMP, le Sésame. Les éducateurs spécialisés impulsent les choses mais ne peuvent pas tout faire seuls, d'où l'importance des partenariats.

QUELQUES EXEMPLES DE PARCOURS MARQUANTS

Un Monsieur incarcéré pendant 8 ans a repris contact avec sa famille alors qu’il était résident du CHRS les Augustins. Celle-ci a organisé une sortie à la mer pour se retrouver. Impressionné par la perspective de les revoir après une telle séparation, Monsieur m'a demandé de l'y accompagner. Les retrouvailles ont été très émouvantes des embrassades, des larmes, … je les ai laissés en intimité. Ils lui avaient rapporté une valise de vêtements pour qu’il puisse être bien habillé au CHRS. Il y avait beaucoup d'émotion et de tendresse.

Un autre Monsieur, que j’ai accompagné pendant plus de 2 ans, consommait des stupéfiants de façon massive. A cause de cela il avait perdu sa femme, sa famille, sa maison. Ici, au CHRS les Augustins, grâce à nos échanges réguliers, la confiance mutuelle qui s’est installée, il a fini par accepter de se faire soigner pour ses addictions. Il est rentré en communauté thérapeutique pendant environ un an de cure de sevrage. Il est revenu un an après. Il était méconnaissable : dentition refaite, prise de poids, etc. Il revivait. Là, il revenait la tête haute, énormément de fierté partagée. Le voir ainsi, prêt à retourner de façon positive dans la société, cela a été une grande fierté.

Nous avons besoin de vous !

Sans votre soutien, nous ne pouvons mener à bien nos missions et agir sur tous les facteurs nécessaires à une réinsertion réussie comme l’accès à l’emploi ou à un logement, et lutter ainsi contre la récidive.

Offrez une seconde chance aux personnes en grande précarité et à celles et ceux qui ont connu la prison !

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