« Une jeune femme, qui vivait à la rue, avait obtenu une place au Centre d’hébergement et de réinsertion sociale Thuillier via le 115. Elle s’était un peu stabilisée avant de repartir soudainement, sans explication ni nouvelles. Cela pouvait sembler être un abandon de place.
Je la connaissais, car elle venait souvent à l’accueil de jour de la Passerelle avec son père, lui aussi sans-abri. Elle n’avait pas osé dire à l’équipe du CHRS que, malgré le cadre rassurant et l’accompagnement proposé, elle retournait dehors simplement parce que son père y restait. Pour elle, c’était évident : “Mon père est dehors, donc j’y vais aussi.” Ce n’était pas une fuite, mais un choix de fidélité familiale.
Quand je l’ai recroisée, elle m’a expliqué : “Mon papa est dehors, donc je suis partie.” Je lui ai répondu : “Vous avez eu raison de le dire. Mais n’hésitez pas à revenir, on peut entendre cela. Vous étiez deux à la rue, il fallait trouver une solution pour vous deux.” Finalement, un hébergement a été trouvé pour son père, et elle a pu revenir à Thuillier. Nous avons alors repris l’accompagnement.
C’est une personne qui, dès qu’elle se sent en difficulté, a tendance à fuir. Il faut donc être attentif à cette fragilité. L’accompagnement ne se limite pas à des démarches administratives ou sociales : il vise aussi le rétablissement à travers l’environnement de vie. Certaines personnes, blessées intérieurement, l’expriment dans leur manière d’habiter le lieu. Notre rôle est alors de les aider à retisser un lien avec leur espace, à prendre soin d’eux en prenant soin de leur environnement. Tout cela participe du rétablissement de soi. Quand le lieu devient apaisant, quand la personne se le réapproprie, tout peut commencer à changer.»


