28/07/2025

Valérie Roussel, la médecin des LHSS

Rencontre avec Valérie Roussel, médecin des Lits halte soins santé résidentiels et mobiles.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours, et ce qui vous a amenée à vous impliquer dans le projet des Lits halte soins santé (LHSS) mobiles, en tant que médecin ?

J’étais déjà engagée sur les Lits halte soins santé résidentiels. Je suis à l’Îlot depuis 2014. Quand le projet de LHSS mobiles a commencé à émerger, j’ai d’abord pensé qu’un autre médecin, sur le secteur Est du département, pourrait prendre le relais. Mais malgré les démarches entreprises, aucune candidature ne s’est présentée.
En y réfléchissant, j’ai réalisé que j’avais suffisamment de temps libre pour accepter ce poste sur le dispositif mobile. C’est très complémentaire du résidentiel, et c’est une autre approche, puisqu’on ne suit pas les personnes sur place : on va à leur rencontre, chez elles ou dans leur lieu de vie. C’est toujours très intéressant de voir leurs conditions de vie. Aujourd’hui, je partage mon temps entre le résidentiel et le mobile, grosso modo à parts égales.

Vous parlez des dispositifs LHSS mobiles et résidentiels. Comment s’articulent-ils ?

C’est très complémentaire. Il y a des passerelles dans les deux sens : le mobile peut orienter vers le résidentiel, et vice versa. Mais les places sont limitées : on a 14 places en tout, dont 4 pour les femmes et 10 pour les hommes. Et il faut une pathologie avérée, souvent récente, pour être éligible.
Par exemple, un patient peut avoir un diabète ou un cancer de la prostate, mais ce n’est pas suffisant si ce n’est pas une découverte récente ou s’il n’y a pas d’examens en cours. En revanche, s’il se casse une jambe, là, ça rentre dans le cadre.
Certaines places sont un peu "engluées", car on n’arrive pas à débloquer certaines situations sur le plan social. Je pense notamment à un monsieur amputé des deux jambes, qui est en résidentiel depuis près d’un an faute de solution adaptée. On ne peut pas faire autrement, on ne va pas le remettre à la rue.

Et en tant que médecin, pourquoi avoir choisi de travailler auprès de personnes en grande précarité ? Est-ce une vocation ? Un hasard ?

Je pense que c’est une vocation, oui. Avant cela, j’ai fait de l’humanitaire. J’ai une appétence pour les femmes, et pour les situations de précarité. Et puis, il y a aussi une part de hasard : j’étais le médecin traitant de l’ancien directeur du Centre d’hébergement et de réinsertion sociale les Augustins. C’est lui qui m’a beaucoup parlé du projet, qui me l’a “vendu” en quelque sorte. On en a discuté longuement, et un jour je me suis décidée. Je suis aussi en libéral, mais j’arrête cette activité à la fin du mois de juin. Je reste exclusivement ici, non pas pour augmenter mon temps de travail, mais pour être plus disponible.

Comment se déroule une journée type de médecin en LHSS mobile ?

C’est difficile à définir, car les journées ne se ressemblent pas. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est l’équipe avec laquelle je travaille. Elle m’aide beaucoup : elle organise les rendez-vous, effectue les premières évaluations. Quand je me déplace, c’est généralement pour voir plusieurs personnes dans la même journée. J’interviens pour faire un examen clinique, complet, de la tête aux pieds. On évalue le problème initial, puis, si c’est possible, on élargit avec des bilans plus généraux. La relation de confiance est déjà amorcée par l’équipe mobile, ce qui facilite beaucoup mon intervention.

Vous intervenez aussi au CHRS Thuillier où se trouvent les LHSS résidentiels pour femmes, quel est votre regard de médecin sur les femmes en situation de précarité : ont-elles accès, autant qu’elles le devraient, à des soins gynécologiques ? Comment les accompagnez-vous ?

Malheureusement, on constate qu’il y a souvent une grande négligence de santé autour des questions de féminité : les dépistages ne sont pas faits. Lorsqu’il y a une grossesse, elles sont généralement bien prises en charge par l’hôpital, quel que soit leur statut administratif. Mais hors grossesse, pour la contraception, les infections et maladies sexuellement transmissibles, ou les frottis, elles sont souvent un peu livrées à elles-mêmes.
Je m’étais dit que je pourrais faire des frottis de façon générale à toutes les femmes suivies, mais en mobile, ce n’est pas possible : je n’ai pas la structure adaptée. En résidentiel, au Centre d’hébergement et de réinsertion sociale Thuillier où sont situés les LHSS résidentiels pour femmes, on a un cabinet médical, une table d’examen. Mais à l’association Agena, à la Pause, des structures qui font appel aux LHSS mobiles, ou à domicile, ce n’est pas réalisable. Et convaincre ces femmes de faire cet examen très intime n’est pas toujours évident.
Être une femme médecin me facilite toutefois les échanges sur ces sujets. Mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la prévention. Les examens comme les dépistages du cancer du sein, par exemple, ne sont pas systématiquement accessibles. Quand elles n’ont pas de droits ouverts, il n’y a personne pour financer ces soins.

Vous pointez un frein à l’accès aux soins, combien de femmes parmi celles que vous suivez n’ont pas de droits ouverts ?

Je dirais que c’est plus de la moitié. Ce sont souvent des femmes récemment arrivées sur le territoire. Si elles ont eu un souci de santé à leur arrivée, elles sont passées par l’hôpital et ont pu rencontrer une assistante sociale qui les a aidées à ouvrir leurs droits. Mais si ce n’est pas le cas, le processus est long. Tant qu’elles n’ont pas ces droits, il n’y a pas de financement pour les soins de prévention, ni pour la contraception.

Les femmes que vous suivez sont-elles plus vulnérables que les hommes ?

Oui, je le pense. Théoriquement, on est égaux en droits, mais dans la réalité, les femmes cumulent souvent plusieurs formes de précarité, notamment la violence. Certaines femmes que je rencontre sont parties de chez elles après des violences conjugales, parfois en laissant leurs enfants derrière elles. Ce sont des parcours très difficiles.

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