CAROLE
Témoignage recueilli en février 2012. Carole a été hébergée à Thuillier après 17 mois d’incarcération.
« On m’a trouvé ce studio, normalement je devais être dans un autre foyer, finalement indisponible. J’ai eu l’adresse une semaine avant de sortir, c’est ma CPIP (Conseiller pénitentiaire d'insertion et probation) qui me l’a trouvé.
Je suis restée 17 mois en prison suite à ma première condamnation. Je me suis fait arrêtée en septembre 2010 et je devais quitter la prison en juillet 2012. Mais j’ai bénéficié d’une remise de peine qui m’a permis de sortir le 21 janvier 2012.
LA PRISON EST DURE POUR LES FEMMES.
Les hommes ont plus de droits. Par exemple, je n’ai eu que 2 permissions. On m’a dit que c’était une question de nombre. Nous n’étions que 30 détenues femmes à Amiens et nous n’avions qu’une seule salle d’activités, pour des cours de danse ou de couture. Les hommes, eux, avaient une classe, un gymnase, une salle télé… Nous ne pouvions aller au gymnase que quand les hommes n’y étaient pas, c’est à dire jamais sauf le vendredi matin, de 8 à 10h où il nous était totalement réservé.
On n’avait pas beaucoup d’activités, ni de boulot ; j’ai demandé à travailler, on ne m’a rien donné et comme je n’ai pas eu d’emploi, je n’ai pas pu payer mes dettes...
On voit de tout en prison chez les femmes. Il y a des filles qui en sont déjà à 3 ou 4 incarcérations. Je ne me suis pas attachée à tout le monde mais il y a des filles avec qui j’aimerais garder des contacts par la suite, mais pour le moment, je ne le fais pas, ça me renvoie trop là-bas.
Une co-détenue est restée avec moi deux mois, elle était en prison parce qu’elle avait appris que son voisin avait touché son enfant, elle s’est énervée et lui a donné un coup de couteau. Elle a pris 12 mois. Pourtant, les attouchements ont été prouvés, le gamin va chez le psy. C’est incroyable ! Elle m’a dit : « moi je suis là, lui il est dehors » car il a été laissé libre avant son procès… Avant d’aller voir la police elle est allée chez lui et il a nié, alors que son enfant de 8 ans lui avait décrit ce qui s’était passé, c’est là qu’elle a craqué. Elle n’a rien à faire en prison. C’est une jeune femme qui a 4 enfants, qui a défendu un de ces gamins, c’est injuste.
Moi j’y étais pour quelque chose. Mais elle, c’est injuste. D’autres se défendent de leurs concubins, et par un geste d’auto-défense, elles prennent aussi.
Le plus dur, c’est la notion au corps. On a le droit à trois douches par semaine, sinon on se lave au robinet, avec une bouilloire qu’il faut chauffer, puis mettre l’eau dans une cuvette. Il y en a dans les cellules mais elles sont dans un état… alors il faut acheter. Moi, mes parents me donnaient 80 euros par mois. On nous lève à 7 h du matin : « à la douche ! ». On y va directement, on nous emmène dans les douches, on ferme les portes à clé. Au début, j’avais peur. On nous enferme à 8. C’est des compartiments, avec portes battantes...
Quand je suis arrivée en prison, j’ai demandé si je pouvais faire un atelier « esthétique » bénévolement, coiffure et maquillage, mais la direction n’a pas accepté.
REPRENDRE DES ÉTUDES POUR PRENDRE CONSCIENCE DE MES CAPACITÉS.
À l’Îlot, on m’a demandé si je voulais participer à des activités mais tout dépendra de mes cours. C’est un diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU), une validation des savoirs qui donne le niveau bac. J’ai commencé en prison et si je suis restée à Amiens, c’est justement pour continuer mes cours à la fac. Le français et l’anglais sont obligatoires, et j’ai choisi aussi histoire et philosophie. Une prof d’anglais qui m’aidait en prison m’a donné son numéro et garde contact avec moi pour continuer à m’aider. Elle était bénévole. Elle m’a bien fait avancer.
Si j’avais le niveau bac, j’aurais la possibilité d’avoir un boulot. En prison, les profs nous disent qu’on peut passer nos matières en 4 ans, mais dehors, c’est pas possible. Quand je suis sortie, il y avait déjà des partiels car les personnes avaient commencé en septembre. Je ne suis pas à niveau. Je me suis même dit qu’il fallait que je m’inscrive en candidat libre pour prendre mon temps mais j’aime les cours de philosophie, seule ça ne sera pas pareil.
APPRÉHENDER L’ESPACE, RETROUVER LES SIENS… ET NE PAS FAIBLIR.
Je suis rassurée d’être à l’Îlot car la taille de la ville me fait peur, les transports me paraissent compliqués. Il faut que j’apprenne. Je suis née à Laon, j’aurais pu y rester, aller à Pôle Emploi là-bas. Là je suis obligée de regarder la carte, même dans la rue, c’est compliqué. Je n’ai pas encore eu le temps de vraiment me promener.
Ça fait deux semaines que je suis sortie. Je me suis inscrite dans mes cours peut-être trop rapidement et puis ma grande priorité, c’est de récupérer ma fille de 12 ans. Elle est collégienne à Laon.
Je ne la voyais qu’une fois par mois en prison, mes parents l’amenaient. En sortant, elle croyait que ça serait comme avant, qu’elle allait venir chez moi une semaine sur deux comme avant. Nous étions en garde alternée avec son père. Elle a été déçue.
J’ai du mal à lui expliquer que mes relations à Laon sont mauvaises. Qu’il faut que je sois dans une autre ville, loin des personnes avec qui j’avais commis les faits. C’est ça le plus dur, ne pas l’avoir. Avec son père, on alternait sans problèmes, une semaine sur deux. Je ne me sens pas au complet sans elle.
Alors d’accord, il faut que je m’occupe de moi, mais elle me manque. On communique tous les jours mais il me faudrait internet. On a trop peu communiqué pendant les 2 ans de mon incarcération. Elle a 12 ans, elle a un petit copain, il faudrait que je sois à côté d’elle… Maintenant, c’est sa belle-mère qui prend ma place ! Mais malgré la prison, je suis une bonne maman car je m’en suis toujours bien occupé. Mon projet premier, c’est elle.
Normalement dans le foyer où je devais aller, j’aurais pu l’accueillir pendant les week-ends et les vacances. Ici je ne peux pas pour le moment car ma place est en hébergement individuel. Ça me fait mal au cœur.
La prison formate. Là-bas, on est un numéro. Ça m’arrive sur mes papiers de marquer mon numéro d’écrou et pas mon nom. Là-bas on est un numéro, on marque même pas de prénom. Ça me fait bizarre de m’occuper de moi et juste de moi. Ça fait un vide. En prison, on ne se rend pas compte, on est avec sa co-détenue. J’en ai eu 7 en 17 mois.
Ma mère m’avait offert un soin à noël. Ça dure une heure et demie, je pourrai le faire là mais j’attends d’être bien, d’être à l’aise. J’appréhende. Comme j’appréhende tous mes rdv. Là je vais à pôle emploi, je vais voir s’il y a des boulots d’esthétique par ici. Ca va me faire un petit but. »
SABRINA
Témoignage recueilli en janvier 2014 à l’Îlot Val-de-Marne. Sabrina y était hébergée depuis août 2012 et s’apprêtait au moment de l’interview à quitter l’établissement.
« J’ai 22 ans. J’ai été incarcérée à 19 ans, pour trafic de stupéfiants.
Au début, la prison c’est très dur. On ne sait pas où on met les pieds… je m’y suis adaptée au fur et à mesure. Heureusement, j’ai pu travailler : de la mise sous plis, de la peinture… tout plutôt que de rester dans ma cellule à ne rien faire !
Quand je suis entrée en prison j’étais jeune, je ne voulais écouter personne… La prison m’a permis de beaucoup réfléchir, ça a changé ma vision de la vie.
A la base, j’habitais en Guyane. Mais je ne voulais pas retourner là-bas. J’avais eu des problèmes avec ma mère, je ne voulais pas retrouver mes anciennes fréquentations… Au cours de ma détention j’ai été accompagnée par une conseillère pénitentiaire d'insertion et probation (CPIP) qui m’a aidée à trouver une formation, un hébergement à la sortie… ça s’est passé tout seul, grâce à l’Îlot qui pouvait m’héberger.
Mais la prison et l’extérieur, ce sont vraiment deux mondes différents. A l’intérieur, on fait tout à heure fixe, quand on nous y autorise : manger, dormir, se doucher, se promener… ça m’a pris du temps de me réhabituer à vivre sans ces horaires, sans savoir exactement ce qui se passerait dans les prochaines heures…
Au début, j’ai suivi une « formation mobilisation », qui m’a permis de tester plusieurs métiers. Par exemple comme aide-soignante, mais c’était avec des personnes âgées, ça me faisait trop mal au cœur de les voir comme ça. Par contre, j’ai tout de suite accroché avec le commerce. Depuis quelques mois je suis une formation en alternance, dans un magasin de chaussures.
Grâce à ma référente j’ai pu trouver un logement, et j’emménage cette semaine si tout va bien. A ma sortie je resterai en contact avec elle.
A l’Îlot on est bien entouré, bien encadré… la personne qui vient, si elle est motivée, si elle veut s’en sortir, elle pourra s’en sortir. J’aimerais leur dire merci pour ce qu’ils font, parce qu’ils aident beaucoup de personnes, s’ils peuvent… qu’ils continuent ! »"