Depuis maintenant 3 ans, deux bénévoles de l’association Solidarités Nouvelles face au Chômage interviennent dans notre maison d’accueil de Chemin Vert, à Paris, pour aider des résidents dans leur recherche d’emploi.
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
« L’association Solidarités Nouvelles contre le Chômage (SNC) a un peu moins de 30 ans. Plus de 1200 bénévoles répartis dans une soixantaine de groupes accompagnent annuellement près de 2500 demandeurs d’emploi dans toute la France.
Nous formons des binômes, pour accompagner les personnes qui le souhaitent dans leur recherche d’emploi. Intervenir à deux, cela nous donne plus d’idées, nous aide à garder la bonne distance avec les personnes accompagnées, et surtout à rester disponibles dans la durée. Notre accompagnement n’a pas de limite dans le temps : il s’interrompt lorsque la personne accompagnée le souhaite, ou nous-mêmes. L’association agit aussi pour les chômeurs en organisant par exemple des formations ou des ateliers, ou en complétant le financement d’emplois aidés, pour permettre des embauches à temps plein… »
Concrètement, comment intervenez-vous ?
« En intervenant à Chemin Vert, nous ne suivons pas le schéma habituel. D’habitude, la personne intéressée se rend dans l'une de nos permanences d’accueil, un dialogue s'amorce, puis elle est mise en relation avec un binôme de bénévoles disponibles. Mais avec l’Îlot, cela se passe un peu différemment.
Tout a commencé il y a 3 ans. Des bénévoles de notre association et le responsable de Chemin Vert se sont rencontrés pendant le Forum des Solidarités qu’organise la mairie tous les ans. L’Îlot nous a sollicités pour intervenir auprès de ses résidants. C’était nouveau pour nous et nous avons procédé par tâtonnements successifs pour trouver la bonne organisation. Finalement, nous avons décidé que les résidants seraient orientés vers nous par leurs référents, capables de repérer s’ils sont « mûrs » pour une recherche d’emploi, et que le premier entretien se passerait en présence de ce référent, de façon à ce qu’il puisse suivre avec le résidant l’avancée de ses démarches.
Nous sommes deux et nous venons à Chemin Vert tous les mardis après-midi. A chaque fois, nous prenons le temps en fin d’après-midi de discuter avec les travailleurs sociaux, pour un « debrief » qui nous paraît très utile : nous n’avons pas à tout savoir sur les résidants que nous accompagnons, mais certaines informations transmises par l’équipe nous aident à mieux comprendre leur situation ; à l’inverse, nous pouvons faire part de notre ressenti à l’équipe et la tenir au courant des démarches entreprises, pour qu’elle puisse aider les résidants à s’organiser.
Nous suivons en permanence 4 personnes, soit sur une année 6 à 8 personnes. »
Nos résidents ont-ils des difficultés particulières ?
« La plupart des résidants ont un faible niveau de qualification, ils sont nombreux à mal maîtriser la langue française (même lorsqu’ils sont français), et leurs démarches sont rendues difficiles par leur éloignement du monde du travail, pendant le temps de l’incarcération. En 10 ou 15 ans, le marché de l’emploi a totalement changé, il faut plus de temps, plus de démarches…
Sans compter que les résidants doivent se ré-habituer à avoir des rendez-vous. Ils sont un peu plus éloignés de l’emploi que les personnes accompagnées habituellement par notre association, mais ils sont surtout un peu plus éloignés de la vie en société, qu’il leur faut (ré)apprendre à leur sortie de prison. Certaines personnes ne sont pas ou plus capables de rester concentrées, assises, plus d’une heure.
Tous ces éléments font que les résidants ont souvent besoin de commencer par un contrat d’insertion avant de se lancer sur le marché de l’emploi classique. Nous en avons en tête l’expérience d’un résidant qui possédait de vrais dons en technologie, et que nous avons aidé un décrocher un contrat aidé dans une association, pour apprendre à construire et administrer un site internet associatif. Il aura, à l’issue de ce contrat, une expérience de 10 mois à faire valoir sur le marché du travail.
Notre contribution, bien sûr, est difficile à mesurer : la personne qui réussit, ce n’est pas nous, c’est la personne qui a obtenu l’emploi ou la formation qu’elle souhaitait. »
Connaissiez-vous l’association avant de vous lancer dans l’aventure ?
« Avant d’intervenir à Chemin Vert, nous ne connaissions pas l’association… même si nous avons appris ensuite que de nombreux bénévoles de Solidarités Nouvelles contre le Chômage étaient donateurs à l’Îlot. Et l’accompagnement de personnes sortant de prison a été une « révélation », sur les conséquences des conditions de détention mais surtout sur les difficultés que représente la réinsertion.
S’il y a bien un maillon social à renforcer, c’est bien là, entre le monde pénitentiaire et la société civile, et nous pensons que les associations ont un rôle important à jouer, pour faciliter ou permettre cette transition.
Nous sommes souvent obligés d’orienter les résidants vers des structures d’insertion, parce que la prison déstructure et désocialise.
Mais nous pensons aussi que les entreprises ordinaires pourraient aussi faire un peu plus d’efforts. Comme les personnes handicapées, les personnes sortant de prison auraient besoin que les entreprises aient l’obligation, légale ou morale, de leur donner une chance. Certaines entreprises, souvent des PME, agissent, mais nous n’avons pas l’impression que beaucoup d’entreprises partagent ce souci. A l’heure actuelle, nous sommes obligés de « faire des pieds et des mains » pour masquer un séjour en prison dans le CV des personnes que nous accompagnons. Ce qui devrait être un simple « accident de parcours » reste trop souvent un obstacle, difficile à surmonter, sur le chemin de l’emploi. »