Qu’est-ce qui vous touche le plus dans la mission de l’Îlot ?
L’association pallie, à mes yeux, une très grave carence de l’État. La Justice ne sait que punir. Son rôle ne va pas au-delà, et c’est absurde : à la sortie de prison, les mêmes causes produisent les mêmes effets. De plus, il est inadmissible que le fonctionnement économique actuel fasse augmenter nettement le nombre de personnes en très grande difficulté.
En quoi notre cause (la réinsertion, la lutte contre la récidive) résonne-t-elle avec vos convictions ou votre histoire personnelle ?
Du côté professionnel, j’ai été dans l’enseignement. Parmi mes convictions, la non-violence tient une très grande place.
Qu’est-ce que cela représente pour vous, personnellement, de soutenir l’Îlot ?
C’est un moyen de lutter contre la violence : celle que les délinquants infligent à la société, bien sûr, mais aussi la violence institutionnalisée, celle qui exploite, désespère, humilie, réprime, etc.
Selon vous, pourquoi est-il essentiel d’agir pour la réinsertion des personnes sortant de prison ?
C’est essentiel pour ces personnes comme pour nous : empêcher les récidives, c’est veiller à la sécurité de tous. C’est éviter un retour en prison, et donc le poids mort du coût pour la collectivité. C’est proposer un travail à quelqu’un qui devient utile aux autres. C’est rendre leur dignité à ces personnes, et donc faire grandir la nôtre.
D’après vous, qu’est-ce qui est essentiel pour réussir une réinsertion ?
Il me semble qu’il y a quatre choses :
- offrir un regard de confiance à cette personne : « Tu peux. Je crois en toi ». Il ne s’agit pas de minimiser la faute commise, mais de se rappeler que le fautif ne se résume pas à sa faute ;
- donner un sens : clarifier ce que cette personne a fait pour l’aider à comprendre, assimiler, puis dépasser ;
- ouvrir l’avenir en valorisant ses compétences et en proposant une formation ;
- donner les moyens matériels de se lancer : logement, vêtements, démarches, etc.
À vos yeux, pourquoi est-il important que chacun – associations, citoyens, institutions – agisse ensemble pour favoriser la réinsertion ?
Parce que cela permet de changer le regard collectif et de donner davantage de cohérence et d’efficacité à ce qui est fait. Mais l’effort commun, absolument indispensable, consiste aussi à mettre en place tous les volets nécessaires pour une réelle prévention de la délinquance !
Qu’attendez-vous, en tant que soutien, d’une association comme la nôtre ?
J’aime apprendre que des personnes s’en sont sorties. Cela fait chaud au cœur et redonne confiance en l’humain - surtout dans le contexte actuel qui semble se délecter de brutalité et de vulgarité. Mais n’inventez pas, ne mentez pas à ceux qui vous soutiennent ! Racontez des histoires vraies, toutes simples, modestes.
Y a-t-il un moment, une rencontre ou un témoignage lié à l’Îlot qui vous a particulièrement marqué ?
Non, rien de marquant, mais j’apprécie les messages dont la tonalité est sensible. Cela se ressent quand il a été envoyé par une personne capable de tendresse : un humain parle à un humain.
Si vous deviez résumer en un mot ou une phrase ce que représente l’Îlot pour vous, quel serait-il/elle ?
« Espoir et solidarité » - « Donnons-nous tous la main et le monde sera plus beau ».
Quand vous pensez aux personnes accompagnées par l’Îlot, qu’est-ce qui vous vient en premier à l’esprit ?
Leur probable fragilité, et leur comportement parfois déroutant. Elles portent en elles la marque de sentiments négatifs - détresse, indignité, brouillard mental - mais ressentent aussi, encore maladroitement, des sentiments de confiance, de force et de compréhension d’elles-mêmes et du monde qui les entoure.
Quel message souhaiteriez-vous adresser à une personne sortant de prison, accompagnée par l’Îlot, qui entame le chemin de la réinsertion ?
Bien sûr qu’ensemble, nous pouvons concrétiser ce qu’il y a de bon en chacun de nous !
Que diriez-vous à une personne qui hésite à soutenir l’Îlot ?
Je commencerais par lui demander les raisons de son hésitation, et je m’adapterais à sa réponse. Les raisons peuvent en effet être très variées : doute sur la bonne utilisation de l’argent, idée que « ces gens-là » (les ex-prisonniers) ne le méritent pas, que c’est l’État qui s’en occupe et qu’on paie déjà assez d’impôts, ou encore qu’il vaut mieux soutenir les gens qui n’ont rien fait de mal mais qui galèrent, etc. Je donnerais quelques éléments de réponse, tout en incitant à se renseigner davantage et à réfléchir.
Quel message aimeriez-vous faire passer à la société plus largement sur la question de la réinsertion et de la récidive ?
On ne naît pas délinquant, on le devient. Et si les circonstances sociales ne changent pas, on le reste. Ouvrons les yeux sur le fonctionnement global de notre société : un changement radical est à opérer si nous ne voulons pas disparaître. Pensons à nous occuper des « grands délinquants » qui tiennent les manettes du monde, s’octroient des sommes énormes, décident de meurtres de masse… Réfléchissons aussi à ce qu’est la punition : une violence pour répondre à une violence ? Ouvrons la voie à d’autres façons de faire - la justice restaurative, par exemple. Nous sommes faits pour la solidarité. La preuve, c’est qu’elle nous rend heureux.


