07/08/2015

Anne, éducatrice spécialisée

"En fait, je crois que je passe le plus clair de mon temps à tenter de convaincre les résidents qu’ils ne sont pas des moins que rien"

CONVAINCUE DE L'UTILITÉ DE SON MÉTIER

Comment es-tu arrivée à l’Îlot ?

C’est un peu par hasard que j’ai découvert le métier d’éducatrice spécialisée.
A la base, j’ai fait des études de droit. Et puis, pour financer mes études j’ai trouvé un emploi dans un foyer d’enfants. Ça m’a tellement plu que j’ai décidé de me réorienter. Quand j’ai vu l’offre d’emploi de l’Îlot, je me suis dit que ça me permettrait de concilier mon goût pour le « débrouillage » de dossiers et pour le travail éducatif. De ce point de vue, le poste que j’occupe est assez équilibré.
Les hommes hébergés à Chemin Vert ont tous connu la prison. Ils ont été punis par la Justice. J’ai envie de leur montrer que la Justice est aussi là pour les défendre quand on leur fait du tort. Du coup, je n’hésite pas à monter avec eux un dossier aux Prud’hommes ou au Tribunal Administratif, quand ils sont victimes d’un abus.

Peux-tu nous dire comment se passent tes journées ?

Au quotidien, je suis 12 personnes, dont je suis la référente : c’est à moi qu’elles s’adressent en priorité pour leurs démarches d’insertion et je les vois au moins une fois par semaine en rendez-vous. Souvent beaucoup plus au début, parfois beaucoup moins : tout dépend de leurs besoins. Mes journées sont donc remplies de rendez-vous avec des résidents.
Je participe aussi à des réunions de synthèse régulières. Au cours de ces réunions, tous les professionnels qui accompagnent une même personne se rencontrent : l’éducateur spécialisé de l’Îlot, le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, l’assistant social de secteur, et puis parfois des professionnels de santé, le référent du chantier d’insertion, etc.
Ce n’est pas toujours simple de nous mettre d’accord sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la personne accompagnée, et sur les démarches à mener en priorité. Mais c’est important que nous tenions tous le même langage : les personnes que nous accompagnons doivent savoir où donner de la tête.

Enfin, entre ces réunions et ces rendez-vous, il y a les temps de pause et le repas du soir, auquel je participe une semaine sur deux. C’est souvent autour d’un café ou d’une cigarette, à l’improviste, que se disent les choses les plus importantes : on ne prend pas rendez-vous pour parler de ses angoisses ou de ses petits soucis !

En fait, je crois que je passe le plus clair de mon temps à tenter de convaincre les résidents qu’ils ne sont pas des moins que rien, qu’ils peuvent trouvent un travail, que rebondir c’est possible pour tout le monde…

Comment fais-tu pour aider les personnes accueillies à trouver un emploi ?

L’une de mes premières tâches est de les appuyer dans leurs démarches administratives.
Quand on est incarcéré, on devient un numéro d’écrou. Et quand on sort, on n’est plus personne. En prison, on n’a pas la même caisse de sécurité sociale, et puis si on obtient ou renouvelle une carte d’identité, elle sera à l’adresse du centre de détention…
On ne peut pratiquement rien faire tant que la situation administrative de la personne n’a pas été régularisée. Il faut ré-ouvrir ses droits auprès de la sécurité sociale, s’assurer que la carte d’identité est à jour pour une inscription à Pôle Emploi qui permettra de demander une allocation de retour à l’emploi ou une Allocation Spécifique de Solidarité qui, une fois rejetée, permettra d’établir un dossier de demande de RSA, donc de pouvoir postuler auprès de chantiers d’insertion. Toutes ces démarches administratives, ça prend un peu plus de 3 mois. Jamais moins.

Pendant ce temps, on commence à réfléchir un peu aux métiers possibles, aux compétences… je présente aux résidents les bénévoles qui pourront l’aider s’il le souhaite, et je travaille avec eux sur un premier jet de CV, pour amorcer la discussion sur ce qu’ils aimeraient faire, ce qu’ils savent faire, etc. Je leur présente aussi le fonctionnement des chantiers d’insertion.

La plupart des résidents ont quitté l’école très tôt. Ils ont un niveau scolaire de 5ème.
Heureusement, sur Paris, on a plutôt de la chance. Même en bracelet électronique, avec des horaires de sortie à respecter, ce n’est pas si difficile de trouver un emploi.
Le principal problème, c’est plutôt que les personnes qui sortent de prison ont l’impression que c’est écrit sur leur front. Tant qu’elles ont cette impression, elles ont dû mal à se conduire de manière naturelle, notamment avec un employeur potentiel.
Et puis il faut souvent qu’elles apprennent à se repérer dans la ville, qu’elles règlent des problèmes de santé et réduisent leurs addictions… L’insertion, c’est un tout.

Leur passé carcéral fait-il une différence ?

Accompagner une personne qui sort de prison, ce n’est pas tout à fait pareil qu’accompagner une personne qui a connu la rue ou la « galère ». Les problèmes qu’ils rencontrent sont à peu près les mêmes, mais pas le regard que l’on pose sur eux.

Pour la plupart des gens, un sans-abri n’a pas eu de chance, et il faut l’aider. Par contre, un sans-abri qui sort de prison n’a que ce qu’il mérite… sachant que beaucoup de personnes à la rue se retrouvent à voler une cannette de bière pour pouvoir passer l’hiver en prison. Ce n’est pas une légende urbaine.

Quand une personne a passé le cap des premières semaines à Chemin Vert, qui sont décisives, il y a toujours un truc, quelque chose qu’on finit par trouver, elle et nous, pour l’aider à remonter la pente.

Nous avons besoin de vous !

Sans votre soutien, nous ne pouvons mener à bien nos missions et agir sur tous les facteurs nécessaires à une réinsertion réussie comme l’accès à l’emploi ou à un logement, et lutter ainsi contre la récidive.

Offrez une seconde chance aux personnes en grande précarité et à celles et ceux qui ont connu la prison !

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