Je n’étais jamais allée au Musée d’Orsay. Pour moi, avant d’y aller, je savais qu’il y avait des tableaux mais je voyais les tableaux comme des choses qu’on met sur les murs, sans plus.
On avait une interprète avec nous, et grâce à elle j’ai appris beaucoup de choses. Il y avait un tableau avec une grande dame, toute nue, qui versait de l’eau. Elle nous a demandé ce qu’on en pensait, ce que représentait l’eau. J’ai répondu que c’était une source de vie. A partir de cette sortie, j’ai appris à lire un tableau, tout ce que ça représente, parce qu’un tableau ce n’est pas juste un tableau : ça parle de toute une vie, tout un art.
J’ai appris beaucoup de choses.
Et puis l’interprète nous a emmenés dans un endroit du musée où elle nous a montré des vues de Paris. Maintenant je sais pourquoi, quand on dit qu’on vit à Paris, les autres vous regardent différemment, avec de grands yeux.
Il y a longtemps, avant ce qui m’est arrivé, j’étais allée à New York voir ma sœur. Là-bas, quand je disais que je venais de Paris, les gens me disaient : « Paris, c’est beau ». Ils connaissaient ce milieu, et moi pas. Maintenant, je sais pourquoi ils avaient des étoiles dans les yeux.
Avant cette sortie, je n’allais pas au musée. Je ne sais pas qui a eu l’idée d’aller au Musée d’Orsay, au tout début, mais on n’était pas très motivées. Quand on est ici, on pense tout le temps : « la maison, quand est-ce que je l’aurai ? le travail, quand est-ce que je l’aurai ? »… Mais Nadège a insisté. Elle nous a un peu poussées. J’y suis un peu allée pour avoir la paix.
Mais une fois qu’on l’a fait, on sait que c’est bien. C’est un peu comme une thérapie. On se sentait tellement bien après, quand on est revenues, qu’on a acheté des glaces pour les partager avec les filles qui étaient restées à la maison. Et puis, avec ma voisine de chambre, après la sortie, on a commencé à se parler. Au musée, j’ai appris à connaître une autre personne que celle avec qui je partageais mon quotidien. Avant, on ne s’entendait pas. Mais là, on a fait la paix.
Ici, il y a beaucoup de personnes blessées, avec comme une cicatrice à l’intérieur. Elles s’enferment, elles ne veulent rien du tout parce que dans leur tête, ça ne va pas. Avant j’étais comme ça aussi, je ne parlais pas comme je le fais maintenant, je n’arrivais pas à dormir… ici, tout le monde a vu le changement que ça m’a fait.
Mais il n’y a pas que la sortie au musée. Souvent, ils font des propositions de films aussi. Ce sont des films qui nous apprennent des choses, et qui montrent que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Ce sont des choses qu’on nous dit, mais qu’on n’arrive pas à croire. Quand on suit l’histoire de quelqu’un, là on se met à y croire.
Ici, ils font tout pour nous aider à réintégrer la société. Je trouve qu’ils font beaucoup plus que nous aider à chercher une maison. Ils nous aident à voir le bout du tunnel, ils sont à l’écoute et vous cheminez avec eux. Même si je n’ai pas encore trouvé une maison à moi, je remercie l’Îlot.