29/09/2021

Accompagner les personnes en grande précarité

Najet Helis est éducatrice spécialisée depuis une dizaine d’années au sein de La Passerelle, un des plus grands Centre d’hébergement d’urgence (CHU) de la Somme, à Amiens.

En quoi consiste votre métier ?

Mon travail en tant qu’éducatrice spécialisée consiste à proposer un accueil et un accompagnement social à des personnes qui sont sans solutions d’hébergement.

Qu’est-ce qu’un CHU et à quels besoins répond-t-il ?

Un Centre d’hébergement d’Urgence, CHU, est un établissement qui accueille des personnes majeures, sans solutions d’hébergement.

En quoi est-ce différent d’un CHRS ?

Le CHU c’est en quelque sorte une étape qui précède le CHRS. L’admission en CHU se fait via le numéro d’urgence 115 tandis que l’entrée dans un CHRS se fait via une orientation du SIAO (Services Intégrés de l’Accueil et de l’Orientation), un entretien et par la signature d’un contrat de séjour avec le responsable du CHRS.
À la différence des CHU, dont la vocation est de répondre à une situation d'urgence en hébergeant temporairement des personnes sans-abri, les CHRS constituent une étape préalable à l'accès à un logement pérenne.

Quelles sont les différents dispositifs d’accueil et d’hébergement existant au sein de la Passerelle ?

On peut arriver au CHU La Passerelle par différentes portes.
Par le 115, la Passerelle héberge et accompagne 55 hommes seuls sans domicile fixe, en hébergement d’urgence.

Pour certaines personnes l’hébergement d’urgence peut se transformer en stabilisation. Il s’agit toujours d’hébergement d’urgence, mais les hommes concernés conservent leur place d’une nuit sur l’autre et bénéficient d’un suivi approfondi. Cet hébergement d’urgence avec un accompagnement social est formalisé à l’aide d’un contrat de suivi et peut durer plusieurs mois. Ce contrat n’est pas chose courante mais il est indispensable car il permet aux personnes de s’engager. La mise en place d’un Suivi Passerelle peut s’instaurer de plusieurs façons : soit suite à une évaluation sociale à la demande d’un bénéficiaire ou à l’initiative du travailleur social. Soit à la demande d’un de nos partenaires (par exemple le SPIP pour prévenir de la récidive, le Mail pour assurer la continuité des soins…).

Il y a l’accueil de jour, qui permet aux personnes de bénéficier de réponses à des besoins élémentaires (manger, se reposer, se laver) pendant la journée. Certaines d’entre elles peuvent appeler le 115, afin d’obtenir une solution d’hébergement pour la nuit même au sein de la Passerelle.

Depuis trois ans, il y a également une prise en charge en halte de nuit : nous accueillons des personnes qui sont très marginalisées, plutôt réfractaires à l’hébergement en collectif et leur faisons bénéficier d’un espace plus petit pour se poser. Elles peuvent venir et repartir comme elles le désirent. Il y a moins de contraintes dans la halte de nuit par rapport à l’hébergement d’urgence. Le but étant que ces personnes puissent faire une pause dans leur grande exclusion et, petit à petit, poser bagage, voire pourquoi pas les amener à solliciter les services du 115 et basculer en hébergement d’urgence.

Combien de personnes sont accueillies chaque jour au sein de l’accueil de jour de la Passerelle ?

Au quotidien, nous pouvons accueillir une soixantaine de personnes sur l’accueil de jour. En ce qui concerne l’hébergement d’urgence nous accueillons cinquante-cinq hommes et une dizaine d’hommes ou de femmes sur la halte de nuit.

Quel est le profil des personnes accueillies au sein de la Passerelle ?

Nous rencontrons des personnes avec différentes problématiques. Nous accueillons de plus en plus des personnes sous main de justice, rencontrant des problèmes d’addiction, ou dont les liens familiaux sont rompus.

Comment les personnes sont-elles orientées vers la Passerelle ?

Les personnes sont orientées via les services du 115, avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration. Nous avons également une convention avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) de la Somme. Sur l’année 2020, nous avons accueillis une soixantaine de demandes relevant du SPIP pour des personnes qui sont incarcérées et sans perspective d’hébergement à la sortie de prison. C’est le SPIP qui va formuler une demande, par le biais de la fiche de liaison, afin de permettre à la personne de disposer d’un lieu où elle puisse aller à sa sortie de maison d’arrêt.
Les demandes peuvent provenir de l’association Yves Le Febvre et de son Service d’action socio-éducative du champs judiciaire d’Amiens (A.S.E.C.J.A.).
Nous avons également signé une convention d’éviction d’un conjoint violent depuis quelques années. Le conjoint est sorti du domicile et le juge le place en assignation à résidence au sein de notre établissement, et ce jusqu’au jugement. Cela permet à ces hommes d’avoir un endroit où dormir, de prendre de la distance avec la violence dans laquelle ils avaient pu s’enfermer et de pourquoi pas développer un accompagnement avec un travailleur social.
Enfin, nous avons des places conventionnées avec l’association Le Mail, spécialisée dans la prise en charge de personnes souffrant d’addiction. Etre hébergé peut faciliter l’adhésion aux soins.

Pour les personnes sortant de prison, comment vivent-elles leur arrivée à la Passerelle ?

Ces personnes sont très contentes et rassurées d’avoir une place en CHU car, dans leurs têtes, elles ne disposaient d’aucune solution à la sortie de prison. Nous sommes une sorte de béquille pour la personne, cela lui permet de sortir avec moins de difficultés, je dirais même avec moins d’appréhension. Dès leur arrivée, nous évaluons ensemble les possibilités d’une solution de logement plus pérenne comme le CHRS ou la Pension de Famille.

Pourquoi la mise à l’abri est-elle importante pour le public justice ?

Elle est importante car elle permet de faire un travail de prévention sur la récidive. Une personne sortant de détention sort avec le bruit des clés en tête. Il y a une fragilité qui s’est déjà installée chez cette personne. Une mise à l’abri lui permet de se rassurer et de pouvoir rebondir. Je pense que la Passerelle est reconnue en ce sens auprès du public justice. On est dans un lieu collectif effectivement, mais avec des chambres doubles où chacun a sa clé. La personne peut dans cet espace se poser, habiter, essayer de se reconstruire et trouver des pistes de sortie adaptées. Nous faisons un travail important de prévention contre la récidive. Nous sommes en lien étroit avec le service pénitentiaire parce que certaines d’entre elles sortent de prison avec un sursis mise à l’épreuve, un contrôle judiciaire, ou d’autres mesures judiciaires. Nous prenons en compte ces obligations judiciaires lors de l’accompagnement social et tentons de transformer ces obligations en adhésion. C’est un gros travail mais qui, avec le temps, prend forme.

Qu’est-ce qui vous procure le plus de joie dans votre métier ?

Ce qui me procure le plus de joie au sein de la Passerelle c’est cette diversité au sein de mon travail, cette multitude de situations que je peux rencontrer. Nous sommes avec des personnes simples, avec lesquelles on entretient des rapports simples, et pour ce faire on a une équipe fantastique. J’ai un vrai plaisir de venir chaque matin à La Passerelle, non sans appréhension par moment, parce que l’on rencontre des situations difficiles derrière lesquelles il y a des histoires lourdes, des passés très compliqués. Il est nécessaire pour nous de faire preuve de beaucoup de patience et de distance pour travailler. J’ajouterai également que l’on rencontre des personnes tellement éloignées des dispositifs d’insertion par moment que cela procure de la joie de pouvoir leur redonner confiance en elles, les faire accéder à une formation, à un emploi, et de les voir sourire. Quand une personne quitte la Passerelle pour un logement, comme cela est arrivé récemment, c’est extrêmement valorisant.

Nous avons besoin de vous !

Sans votre soutien, nous ne pouvons mener à bien nos missions et agir sur tous les facteurs nécessaires à une réinsertion réussie comme l’accès à l’emploi ou à un logement, et lutter ainsi contre la récidive.

Offrez une seconde chance aux personnes en grande précarité et à celles et ceux qui ont connu la prison !

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