06/02/2023

Addiction, milieu carcéral : quelle prise en charge à la sortie ?

Tout comme l’incarcération est un choc, la sortie de détention est un moment délicat, particulièrement pour les personnes souffrant d’addictions. Entre le stress de la liberté retrouvée (souvent dans le dénuement et la grande solitude), la rupture de suivi médical et un accès désormais plus facile aux substances, s’affranchir de la dépendance s’avère complexe pour les personnes qui ont vécu l’addiction en milieu carcéral et nécessite une prise en charge par des professionnels.

Un sujet de l'ombre : l'addiction chez les détenus

30% des personnes incarcérées sont aux prises avec des problèmes d’addictions(1). Un chiffre bien supérieur à celui de l’ensemble de la population puisqu’on estime qu’en drogues licites 7% de la population française est consommatrice quotidienne d’alcool, 18% de tabac et 1,25% de cannabis, et pour les drogues illicites moins de 1% en a fait l’usage dans l’année(2).
Cette surreprésentation de l’addiction en milieu carcéral s’explique par plusieurs facteurs. L’addiction est une raison directe ou indirecte de la condamnation : criminalisation de la vente et de la consommation de stupéfiants, violences et conduites à risque décuplées par des psychotropes (amphétamines, benzodiazépines, cannabis, cocaïne, extasy, héroïne, …) ou l’alcool. Ainsi, nombre de personnes écrouées sont dépendantes de l’alcool et de la drogue avant leur incarcération. À cela s’ajoute une augmentation de la consommation de substances pour affronter le stress du « choc carcéral » et supporter la détention. Une réalité aussi surprenante que dérangeante sur l’addiction en milieu carcéral : certains rentrent sobres en établissement pénitentiaire et en ressortent addicts…

La difficulté d'accès aux soins pour les personnes qui ont connu la prison

Lorsque cela est possible, les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, CSAPA, qui œuvrent en milieu pénitentiaire, préparent la sortie des personnes écrouées afin d’assurer la continuité des soins addictologiques lorsqu’ils ont été prodigués en prison. Mais beaucoup de sorties se font sans préparation préalable, les soignants n’en sont souvent pas avertis. Ce qui accroit la difficulté, pour les personnes sortantes qui ont perdu leurs droits durant leur détention, d’accéder à des soins comme à des produits de substitution. C’est alors que des associations comme l’Îlot jouent un rôle capital d’accompagnement administratif pour le recouvrement des droits et d’accompagnement vers un parcours de soins. Les travailleurs sociaux de l’Îlot permettent aux personnes qu’ils suivent de surmonter ces multiples difficultés administratives qui sont autant de freins à l’ouverture d’un traitement adapté et à un potentiel sevrage.

Comment accompagner une personne qui a connu la prison dans son sevrage de la drogue

Afin d’être d’une efficacité maximum, les équipes de l’Îlot ont noué plusieurs partenariats qui facilitent le suivi des soins des personnes accompagnées qui ont connu l’addiction en milieu carcéral. L’Îlot a tissé des liens avec les Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues, CAARUD, et des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, CSAPA, pour faciliter l’accompagnement vers le sevrage. Par exemple :

  • L’équipe du CHU la Passerelle, qui accueille un public très fragile avec des problèmes d’addictions et de santé mentale, a formalisé un partenariat avec le CSAPA de l’association le MAIL et l’Unité sanitaire en milieu pénitentiaire qui proposent la mise en place d’un accompagnement post carcéral. Cela permet aux équipes de la Passerelle de travailler avec tous ces partenaires et les Centres médico-psychologique (CMP) à une continuité dans les soins dedans-dehors des personnes accueillies au sein du CHU.
  • Le CHRS Thuillier a mis en place, toujours avec le MAIL, des ateliers de sensibilisation aux addictions.
  • Au CHRS les Augustins, le CSAPA Addiction France intervient en consultation avancée, avec une infirmière une fois par semaine. Les résidents sont orientés par les travailleurs sociaux ou viennent à la leur demande. Tous les deux mois, une consultation complémentaire est assurée par une psychologue. De plus, une éducatrice d’Addiction France intervient en détention auprès des personnes ayant des problèmes d’addiction, et effectue le lien auprès du CHRS lors des sorties, afin qu’il n’y ait pas de rupture de soins.
  • Au CHRS Chemin Vert c’est avec le CSAPA de l’association Pierre Nicole et ses médecins addictologues que l’équipe de travailleurs sociaux agit pour aider ses résidents à sortir de la dépendance.
  • Dans le Var, l’antenne de l’Ilot qui accompagne vers l’emploi les PPSMJ à leur sortie de détention, travaille en étroite collaboration avec le CARUD et le CSAPA portés par l’association l’AVASTOFA ainsi qu’avec Addiction France.

« Nous mettons la problématique de l’alcool au même niveau que la recherche d’emploi, la santé ou l’alimentation. La boisson est un défi parmi d’autres sur lesquels nous devons travailler. » témoigne Jelali Sallali, coordinateur social au CHRS Thuillier dans un article de ASH sur « Le tabou de l’alcoolisme féminin »

Chaque année, l’Îlot accompagne plusieurs de ses résidents dans des cures de désintoxication. Car recouvrer la santé, se défaire de ses addictions, et des risques qu’elles entrainent, est essentiel pour réussir une réinsertion durable. Et lorsque cette étape est passée et réussie, c’est une première brique posée dans la construction du projet de vie de la personne accompagnée, porteuse de l’espoir de redevenir un jour un citoyen comme un autre.

Les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, CSAPA, sont des structures dont la mission est d'assurer des actions de prévention et de soins aux personnes atteintes d’addictions via des consultations psychiatriques et la prescription de produits de substitution. Certains CSAPA dispensent même ces produits. En s’appuyant sur la volonté de la personne accompagnée de se défaire de ces problèmes de dépendance, les CSAPA travaillent sur l'abstinence, la sobriété et le sevrage dans la construction d’un projet de retour à une vie plus saine.

Les Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues, CAARUD, sont des établissements médico-sociaux destinés à accueillir des usagers de drogues. Contrairement aux CSAPA, l’accueil en CAARUD n’est pas conditionné à des projets de décrochage mais sensibilise aux risques des addictions, dont les transmissions de maladies telles que le VIH et l’hépatite C, pour lesquelles ils font des dépistages. Les CAARUD fournissent également des produits de substitution.

  1. Chiffres 2021 OIP
  2. Chiffres 2022 de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives

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