30/06/2025

Rencontre avec notre nouveau Directeur général, Guilhem TABARLY

Fin juin, après plus de trois ans en tant que directeur général de l’Îlot, Pierre-Jean PETIT a transmis avec confiance le relais à Guilhem TABARLY, dont l’engagement et les valeurs prolongent pleinement le travail accompli. Nous vous invitons à découvrir l’entretien réalisé avec notre nouveau directeur général, qui revient sur son parcours et partage sa vision pour l’Îlot.

Peux-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours professionnel ?

Économiste de formation, j’ai commencé ma carrière en réalisant des évaluations d’impact social pour des ONG dans les pays émergents. Progressivement, je me suis spécialisé dans les politiques publiques, tout en m’engageant bénévolement de façon croissante aux Restos du Cœur. Au gré de mon engagement bénévole, il m’est apparu rapidement et de façon évidente que la suite de ma carrière devait s’écrire dans le secteur médico-social. Je m’y sentais à ma place. C’est ainsi que j’ai assuré pendant plusieurs années la direction des activités d’insertion des Restos du Cœur, à Paris et en Seine-Saint-Denis, et que je rejoins aujourd’hui l’Îlot avec beaucoup d’enthousiasme.

Je garde de mon parcours la conviction que les sciences sociales et les activités de terrain sont complémentaires et permettent de mieux comprendre les mécanismes d’exclusion en se nourrissant mutuellement.

Qu’est-ce qui t’a motivé à rejoindre l’Îlot et à en prendre la direction générale ?

Mon arrivée à l’Îlot s’ancre dans un intérêt de longue date autour des questions de justice. Pendant mes études, j’ai été bénévole au sein du Genepi, une première expérience marquante qui a éveillé mon intérêt pour les enjeux liés à la réinsertion. Par la suite, aux Restos du Cœur, j’ai œuvré au développement de l’accueil de personnes sous main de justice au sein des structures d’insertion par l’activité économique, dans une logique d’inconditionnalité d’accueil qui m’était chère.
Ainsi, quand l’opportunité de rejoindre l’Îlot s’est présentée, je n’ai pas hésité. C’était, pour moi, l’opportunité de m’investir plus directement sur un sujet qui me tenait à cœur, au sein d’une association que je connaissais via ses actions en Île-de-France et que je savais reconnue dans le secteur.

Tu passes d’une structure largement reconnue, les Restos du Cœur, avec une mission très fédératrice, à l’Îlot, une association plus spécialisée, dont l’objet social est peut-être moins immédiatement mobilisateur : est-ce un défi particulier ?

De prime abord, en effet, on pourrait considérer que la question du public justice est plus difficile à défendre que celle des publics accompagnés par les Restos du Cœur. Dans les faits, pourtant, les points communs sont nombreux.

Tout d’abord, avant d’être des personnes placées sous main de justice, les personnes accompagnées par l’Îlot sont victimes de la précarité et de l’exclusion, dont la détention est à la fois une cause et une conséquence. Par ailleurs, même dans une association aussi reconnue et populaire que les Restos du Cœur, j’étais habitué à devoir déconstruire des idées reçues profondément ancrées à l’encontre des plus démunis (le mythe du chômage volontaire, les allégations de fraude aux prestations sociales, etc.). De la même manière, le milieu carcéral est sujet à un certain nombre de préjugés coriaces qu’il faut combattre, comme l’a très bien montré Sylvain Lhuissier dans son ouvrage Décarcérer. Dans les deux cas, il est primordial de mesurer l’importance des déterminismes sociaux sur les trajectoires individuelles, ce que les sciences sociales ont largement documenté.

Quant au plaidoyer en faveur de la réinsertion, il peut et doit se mener sur plusieurs fronts. Celui, d’abord, du droit à la deuxième chance, une valeur cardinale à laquelle nos donateurs sont très sensibles : près de 100 000 personnes sont actuellement écrouées en France. Elles ne sont pas des citoyens de seconde zone et doivent être accueillies à nouveau dans la société une fois leurs peines purgées.

D’un point de vue plus pragmatique, la réinsertion est absolument nécessaire pour limiter le risque de récidive. On sait que, sur les 11 personnes qui sortent de détention chaque heure, deux tiers vont récidiver dans les cinq ans. En revanche, ce taux diminue drastiquement pour les publics bénéficiant d’aménagements de peine ou d’un accompagnement à la sortie. Et ce pour un coût relativement modique pour la société : une journée d’hébergement social dans un établissement de l’Îlot coûte deux fois moins cher qu’une journée en détention.

Preuve que ce plaidoyer en faveur de la réinsertion est audible : l’Îlot peut compter sur des donateurs et mécènes engagés sur le temps long.

Quelles sont, selon toi, les principales forces de l’Îlot aujourd’hui ?

Avec seulement quelques semaines de recul, ce qui frappe d’emblée en intégrant l’association, c’est l’expertise manifeste dans l’accompagnement du public justice. Cette compétence ne se limite pas à une simple connaissance du cadre judiciaire : elle se traduit concrètement dans la capacité à prendre en charge des situations complexes, souvent marquées par les stigmates de l’incarcération. Les personnes accompagnées font face à une multiplicité de vulnérabilités : troubles psychiques, conduites addictives, ruptures de parcours de soin… Autant de réalités qui nécessitent une approche individualisée et profondément humaine. L’un des fondements du travail mené par les équipes pluridisciplinaires réside dans le respect de la dignité des personnes accompagnées. C’est en plaçant ces dernières au cœur du dispositif d’accompagnement, en instaurant un lien de confiance solide, que l’association parvient à restaurer leur pouvoir d’agir et à favoriser une véritable réinsertion.

Je valorise également énormément la dimension à la fois inconditionnelle et holistique du parcours de réinsertion, qui intègre hébergement, accès à l’emploi, santé et lien social au service des publics les plus démunis. Ceci est rendu possible grâce à la diversité des dispositifs déployés par l’association. Par exemple, sur le volet hébergement, l’Îlot propose une diversité de solutions (Halte de nuit, Centre d’hébergement d’urgence, Centres d’hébergement et de réinsertion sociale, Pension de famille, Lits halte soins santé, Intermédiation locative), dont des établissements dédiés aux femmes, qui permettent de répondre le plus précisément possible aux besoins des personnes accompagnées en fonction de leur degré d’autonomie, de leurs contraintes, etc. L’imbrication de l’hébergement et des actions en faveur de l’insertion professionnelle représente, à mes yeux, un véritable changement de paradigme, celui du Housing First, en vertu duquel le logement est un prérequis à l’insertion professionnelle et, plus généralement, au processus de réaffiliation au collectif.

Enfin, l’Îlot peut se prévaloir d’une capacité indéniable d’innovation sociale, notamment à travers les dispositifs d’« aller vers » pour repérer les publics les plus marginalisés : accompagnement professionnel en Semi-liberté, développement des Ateliers qualification-insertion (AQI) ou encore mise en place de Travaux d’intérêt général (TIG) pédagogiques en remplacement de peines de prison. Cela passe aussi par le développement de mesures alternatives à la détention, comme le Placement extérieur (PE) ou la Détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), domaines dans lesquels l’Îlot est déjà reconnue pour son engagement pionnier. Autant d’initiatives qui traduisent une volonté constante de faire évoluer les pratiques et les regards.

Quelles seront tes priorités pour les mois à venir ?

Ma priorité est de m’appuyer sur les choses qui fonctionnent bien à l’Îlot, et elles sont légion. L’idée n’est pas de réinventer la roue, mais d’aller plus loin dans les pratiques qui ont fait leurs preuves. C’est sur ces bases solides qu’il s’agira d’accompagner la forte croissance de l’association. Une croissance qui n’est pas motivée par un enjeu de taille, mais par une volonté d’essaimer une méthode et une expertise dont sont garantes les équipes pluridisciplinaires et qui sont aujourd’hui largement reconnues dans le secteur.

Au-delà de cet enjeu, ma feuille de route pour les mois à venir s’inscrit dans la continuité de plusieurs chantiers de long terme de l’association. Le développement du bénévolat reste une priorité, car il constitue une formidable caisse de résonance à l’action de nos équipes salariées. La prise en charge de la santé mentale constitue également un enjeu central, d’autant plus crucial pour les personnes sortant de détention, souvent confrontées à une grande vulnérabilité psychique. Enfin, dans un contexte difficile pour le secteur associatif, il est indispensable d’asseoir la solidité financière de l’association. Seules les structures capables de mobiliser sur un même dispositif à la fois des financements publics et des ressources privées, via les donateurs et les mécènes, pourront pérenniser leur action. Ce levier financier, conjugué à l’engagement des équipes salariées et bénévoles, est essentiel pour maximiser notre impact social.

Nous avons besoin de vous !

Sans votre soutien, nous ne pouvons mener à bien nos missions et agir sur tous les facteurs nécessaires à une réinsertion réussie comme l’accès à l’emploi ou à un logement, et lutter ainsi contre la récidive.

Offrez une seconde chance aux personnes en grande précarité et à celles et ceux qui ont connu la prison !

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