Peux-tu nous parler de ton parcours et de ton choix de travailler comme Conseillère en insertion professionnelle (CIP) ?
Même si je m’amuse à dire que j’entame ma troisième carrière, mon parcours est assez cohérent.
À l’origine, je suis monitrice-éducatrice et j’ai travaillé près de 10 ans en Maison d’enfants à caractère social (MECS), principalement auprès d’adolescents. Pour des raisons familiales, j’ai arrêté de travailler dans le social et j’ai eu l’opportunité de devenir assistante de direction dans un organisme de formation, un poste qui m’intéressait beaucoup car l’administratif ne me déplaît pas, loin de là.
Après un licenciement économique, j’ai fait une importante remise en question professionnelle : continuer dans l’administratif ou revenir au social qui me manquait ? J’ai donc fait un bilan de compétences, et le métier de CIP m’est apparu comme une évidence : il combine l’administratif et le social. J’ai alors suivi une formation de huit mois. Je n’avais jamais mis autant de ferveur dans l’obtention d’un diplôme. Cela a été un processus intense de déconstruction et de reconstruction professionnelle. Et j’ai obtenu le titre de CIP.
Ce que j’aime, c’est analyser un parcours, identifier les leviers, et surtout redonner confiance aux personnes qu’on accompagne. Je suis quelqu’un de très franc, dynamique, j’aime aller droit au but et ce métier me permet justement d’être dans une relation authentique, constructive, où on avance ensemble, étape par étape.
Pourquoi avoir fait le choix de travailler à l’Îlot ?
J’ai découvert le fonctionnement des chantiers d’insertion durant mes stages de formation, et ça a été une vraie révélation. À l’obtention de mon titre professionnel de CIP, c’était évident pour moi : je voulais travailler dans ce domaine et l’Îlot correspond à mes valeurs.
C’est une structure qui assume pleinement son engagement auprès des publics les plus éloignés de l’emploi, en particulier les personnes placées sous main de justice. Ce qui m’a séduite, c’est cette philosophie très claire : ici, on ne juge pas. On accueille, on écoute, on croit aux secondes chances… et parfois aux troisièmes. C’est une approche profondément humaine et respectueuse, dans lesquelles je me reconnais.
Travailler à l’Îlot, c’est accompagner sincèrement. On dit les choses, on pose un cadre, on avance avec les personnes, et on se bat pour qu’elles retrouvent leur place.
De surcroit travailler accompagner des Personnes placées sou main de justice (PPSMJ) est challengeant. Leur parcours judiciaire et leurs difficultés personnelles impactent leur confiance en eux. Mon rôle est de les soutenir, de les guider et de leur redonner confiance pour faciliter leur réinsertion.
Et puis j’aime beaucoup la dynamique du chantier d’insertion : on voit les progrès au quotidien, c’est concret, c’est vivant, et on mesure vraiment l’impact de notre travail.
Comment s’organise ton travail de CIP ?
Je suis CIP pour les chantiers d’insertion automobile, mécanique et carrosserie de l'Auto Bleue, pour le chantier de maraîchage, l’endiverie de Mézières-en-Santerre, ainsi qu’intervenante temporairement à la prison de Beauvais pour l’Atelier et chantier d’insertion de recyclage textile et dans d’autres structures de l’Îlot comme les Travaux d’intérêt général (TIG) pédagogiques en lien avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de la Somme, un projet soutenu par la Fondation M6. Je suis aussi référente SPIP pour l’accueil des TIG « classique » au sein des ateliers de l’Îlot.
Je construis mes ateliers à mon image : participatifs, vivants et basés sur l’échange. Je favorise les interactions entre les participants et entre eux-mêmes, car souvent, c’est dans le partage que se débloquent les situations. Je m’adapte à l’énergie du groupe et à ses besoins, en modulant la posture professionnelle et le contenu des ateliers.
Mon rôle ne se limite pas aux savoir-faire professionnels, mais inclut également la transmission de savoir-être et de codes professionnels, ce qui est essentiel pour le développement des participants. Même si les changements ne sont pas immédiats, je sais qu’ils laisseront une trace positive pour l’avenir.
En entretien individuel on aborde le parcours, les freins, mais aussi les réussites.
Je suis là pour faire émerger un projet, pour guider, et parfois pour remettre les choses au clair quand c’est nécessaire. Quand c’est flou, je recadre. Quand c’est bien, je valorise, toujours le but de favoriser l’autonomie et la progression dans la réinsertion professionnelle.
Mon objectif, c’est vraiment que chaque personne puisse aller au bout de son projet, et surtout qu’elle se sente capable d’y arriver.
Est-ce que certains parcours t’ont particulièrement marquée depuis ton arrivée ?
Je suis arrivée à l’Îlot il y a seulement huit mois, donc je n’ai pas encore suffisamment de recul pour parler d’un “parcours complet” du début à la fin. En revanche, ce qui me marque vraiment, ce sont les évolutions des salariés en CDDI* au quotidien.
Quand ils arrivent, il y a souvent beaucoup d’incertitudes : un manque de confiance, des parcours de vie compliqués, des difficultés personnelles qui prennent toute la place… Et petit à petit, avec un cadre clair et un accompagnement régulier, on voit des changements très concrets.
Par exemple, certains salariés n’ont pas du tout les codes du monde du travail au départ, tels que la ponctualité, la communication, la gestion des émotions et quelques semaines ou mois plus tard, on les voit prendre leurs responsabilités, s’organiser, et même soutenir les autres. C’est très fort à observer.
Il y a aussi des parcours plus “mouvants”, avec des hauts et des bas, mais qui finissent par aboutir sur une formation, un emploi, ou simplement une stabilité personnelle. Ce n’est pas seulement professionnel : c’est toute leur posture qui change, et ça a un impact direct sur leur vie.
Pour moi, la plus belle réussite, c’est quand un salarié réalise qu’il est capable, qu’il a des compétences, et qu’il peut avancer.
Les changements ne sont pas toujours spectaculaires mais ce sont des transformations solides, profondes, qui leur permettent vraiment de repartir sur de bonnes bases et de redessiner un futur
*Les personnes qui intègrent un Atelier et chantier d’insertion ont un statut de salarié. Ils sont salariés par la structure qui gère l’ACI – ici l’Îlot –via un Contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). La durée minimum d’un CDDI est de 4 mois. Il peut être renouvelé plusieurs fois jusqu’à 24 mois maximum. Une exception peut être faite pour les personnes sous main de justice ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. La durée de ce contrat ne peut alors être inférieure à 4 mois, et idem, il peut être renouvelé dans la limite d’une durée totale de 24 mois.

