Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours judiciaire et de la façon dont vous avez intégré l’Îlot ?
J’ai fait de la détention, puis j’ai fait plusieurs mois en semi-liberté et je suis actuellement en conditionnelle (liberté conditionnelle). (1)
Quand j’étais en prison, à Villepinte (Maison d’arrêt de Seine-Saint-Denis), j’ai rencontré Madame Cartagena (responsable des chantiers d’insertion en Île-de-France) dans le cadre d’un parcours de rencontres organisé par l'association Justice Deuxième Chance (J2C). Je suis sorti en semi-liberté pour commencer l’atelier avec l'association l’Îlot. Aujourd’hui, je suis en (liberté) conditionnelle ; elle se terminera en mars 2026.
Cette liberté conditionnelle implique-t-elle une obligation de poursuivre la session de l’Atelier ?
J’ai l’obligation de travailler, de payer les parties civiles et d’honorer mes rendez-vous avec les SPIP (Services pénitentiaires d’insertion et de probation). Pas forcément de poursuivre la session, mais de travailler, oui. Si je poursuis, c’est que cet atelier me convient.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’idée d’intégrer cet atelier ?
La cuisine, j’aime bien. Et puis c’est une session de neuf mois : assez longue pour apprendre, mais pas trop non plus. Il faut aussi être honnête, on ne va pas se voiler la face : cela me permettait de sortir de prison.
C'est comme quelqu'un qui a une famille à nourrir. Quoi qu'il arrive, il va aller ramasser des poubelles comme il va faire la plonge, comme il va se poser dans un bureau et taper sur un ordinateur. Vous voyez ce que je veux dire ? Il faut qu’il fasse les choses nécessaires pour que sa famille, s'en sorte. Là c’est pareil je voulais m’en sortir et ce n’est pas comme s’il y avait 40 000 programmes comme ceux de l’Îlot, alors j’ai saisi cette opportunité. Tant mieux que ce soit avec l’Îlot, c’est vraiment un atelier de qualité. Et je n’oublie pas que ce sont eux qui m’ont tendu la main en prison, alors pour moi c’est important de tenir parole et d’aller jusqu’au bout de la session.
En dehors de ce souhait de sortir de prison, aviez-vous des attentes particulières vis-à-vis de l’Atelier qualification insertion ? Avez-vous eu des surprises ?
Oui, beaucoup de bonnes surprises.
Déjà, on est très bien suivis administrativement. Et les horaires sont adaptés : intensifs mais raisonnables. Je trouve ça important quand on sort de prison comme moi, mais aussi pour les mères de famille qui sont dans cet atelier. Cet emploi du temps fait une bonne transition entre la détention et un retour dans un « vrai » emploi.
Si ça avait été trop intense, j’aurais continué parce que je n’abandonne pas, mais ça m’aurait fatigué. Là, avoir du temps pour voir la famille, souffler un peu, c’est bien. Ça aide à se resocialiser.
Et puis Madame Cartagena, Coralie, Marie et Mounim (conseillers en insertion professionnelle des ACI AQI IDF) sont vraiment faits pour ce métier. Ils savent s’y prendre, ont un bon comportement avec nous. Pour l’instant, je veux finir ma session. Après ces neuf mois, je prendrai peut-être du temps pour souffler un peu, profiter.
Chacun fait comme il veut : certains chercheront un travail immédiatement parce qu’ils n’ont pas le choix, et je respecte ça. Moi, j’ai envie de souffler un peu. Deux ans et demi de détention plus la semi-liberté… J’ai besoin de prendre l’air.
Avez-vous appris des choses sur vous-même au cours de ces neuf mois ?
Je savais déjà que j’ai un sacré caractère… Mais le travail en équipe m’a apporté. Il faut faire avec les autres, et ça m’a servi.
Est-ce que ces neuf mois vous ont apporté quelque chose d’important ?
L’Îlot m’a aidé à faire le point, surtout sur l’administratif. L’équipe répond toujours présente. Ça m’a apporté un cadre, du positif. On rencontre des personnes auxquelles on n’aurait pas parlé dans la vie. Franchement, il n’y a que du positif.
Mais il faut aussi se bouger soi-même. L’Îlot, c’est un plus, mais ils ne peuvent pas tout faire pour toi. Si tu ne te saisis pas toi-même de cette opportunité, ils ne pourront pas t’aider. Si quelqu’un intègre l’Îlot juste comme ça, pour sortir de prison, qu’il aille ailleurs. Peut-être qu’il trouvera autre chose qui lui plaira mieux, mais s’il aime la cuisine et veut s’en sortir, l’Îlot est une très bonne structure.
L’Îlot, c’est fait pour s’en sortir, pour avancer.
Avez-vous un message pour les sympathisants de l’Îlot ?
Soutenir l’Îlot c’est une bonne action. Il y a plein de gens dans le besoin : dans la rue, des mères seules… Alors merci, tout simplement.
(1) « Il s'agit d'un aménagement de peine décidé par les juridictions de l'application des peines. Elle permet au condamné de terminer sa peine en dehors de l'établissement pénitentiaire tout en restant contraint à des obligations. Le condamné reste suivi par le juge de l'application des peines et un CPIP. Pour pouvoir demander une libération conditionnelle, il est nécessaire de remplir certaines conditions. » www.service-public.gouv.fr



