Le concept de justice résolutive

Tout comprendre sur la justice résolutive de problèmes en 10 points clés

En France, la MILDECA (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) et l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature) ont lancé en 2015 les premières expérimentations de justice résolutive qui se rapprochent des expériences anglo-saxonnes tout en s’adaptant au contexte national. L’objectif de la justice résolutive de problème est de diminuer la récidive et le passage en prison bien souvent désocialisant.

Les 10 principes clés de la Justice résolutive

  1. La participation du juge est l’un des éléments clefs de la réussite des juridictions résolutives de problèmes. Le premier élément constitutif de ces juridictions est le suivi régulier de la personne placée sous main de justice par un juge. Il n’est pas seulement un juge de l’incident ou de la sanction, mais avant tout un juge tourné vers la prise en charge globale du condamné (de ses problématiques réelles) dans une posture respectueuse et motivationnelle. Le juge donne à voir de manière ostensible l’humanité, le respect, l’empathie, mais en même temps également l’autorité et la responsabilisation des personnes condamnées.
  2. Audiences équitables et publiques : L’intervention du magistrat dans le suivi a pour intérêt principal le respect des principes du procès équitable et du contradictoire. En outre, les audiences publiques ont un impact fort sur les condamnés qui peuvent se voir félicités devant leurs proches et au sein de leur communauté. L’impact porte également sur les autres condamnés qui peuvent mesurer les progrès accomplis par les autres ou les conséquences qu’ils peuvent encourir en cas de non-respect du cadre. Enfin la société civile peut mesurer l’efficacité du dispositif.
  3. La spécialisation des acteurs : Afin de mieux prendre en charge les problèmes complexes à l’origine du passage à l’acte, les juridictions doivent être spécialisées, ce qui signifie que les acteurs doivent avoir été spécialement formés au type de délinquance qu’ils doivent traiter. La spécialisation porte moins sur la question juridique que sur les problématiques psycho-sociales en cause.
  4. Approche « résolution des problèmes » : Ce principe suggère que le justiciable doit être prise en charge de manière holistique, dans toutes ses dimensions, mais aussi avec toutes ses problématiques. Le suivi s’opère sur l’ensemble des facteurs de récidive identifiés (logement, travail, conflits familiaux, addictions…). L’esprit des juridictions résolutives de problèmes est d’être pragmatique, restauratif et tourné vers la résolution des problèmes réels rencontrés au quotidien par le justiciable.
  5. Responsabilisation : Ce principe renvoie à la nécessité de mettre le condamné devant ses responsabilités, non pas en lui faisant la leçon ou en aspirant à ce qu’il reconnaisse les faits, mais, de manière plus concrète et parlante pour lui, en s’assurant que chaque acte ait une conséquence. Il renvoie au modèle théorique de l’apprentissage social (Akers et Jensen, 2003), en vertu duquel les actes des personnes dont le comportement doit changer, sont aussi systématiquement que possible suivis de réactions : félicitations et encouragements en cas d’acte ou attitude positive et, au contraire, désapprobation voire sanction en cas d’acte ou attitude négative.
  6. Collaboration et travail partenarial entre institutions : Une valeur ajoutée tout aussi essentielle des juridictions résolutives de problèmes est la collaboration interinstitutionnelle totalement intégrée. L’échange d’informations y est constant, les acteurs œuvrent dans le même objectif et se coordonnent entre eux. L’intervention judiciaire en collaboration avec les services de probation est bien plus efficace qu’une probation classique « mandatée » de façon « distante » par le juge.
  7. Justice insérée dans la communauté locale : L’idée n’est pas seulement de traiter d’un problème pénal, mais d’améliorer le bien être et le vivre ensemble de la communauté et de régler ses problèmes. A cette fin, la communauté est amenée à y participer à travers les audiences publiques (où se déroulent notamment les « rituels de désistance »), l’implication des institutions de la société civile et l’ouverture des juridictions à des activités servant à tous (conférence, cours du soir…)
  8. Guichet unique : Dans le modèle des juridictions résolutives de problèmes, l’ensemble des services est disponible au sein du tribunal ou dans un bâtiment unique commun. Ceci réduit l’attrition pour des personnes qui éprouvent des difficultés à se déplacer et à se repérer dans la ville. Concrètement, les différents professionnels chargés d’intervenir auprès du condamné travaillent sur un même site. A Glasgow, par exemple, un service dédié composé d’addictologues, psychologues, psychiatres, agents de probation, assistants sociaux se retrouvent dans un même immeuble, à proximité immédiate de la « drug court ».
  9. Tests et contrôle réguliers : La philosophie propre des juridictions résolutives de problèmes est que la bienveillance et le soutien n’excluent pas le contrôle. En matière de délinquance liée à des conduites addictives, des tests de drogue réguliers ont été identifiés comme un facteur important de prise en charge, car il est essentiel de pouvoir connaître le niveau de consommation du justiciable au fur et à mesure pour pouvoir y répondre de façon adéquate (ce qui ne signifie pas sanctionner, mais encourager ou au contraire établir des conséquences appropriées – théorie du conditionnement opérant).
  10. Rituels de désistance : La participation même de magistrats, au cours d’une audience, plus ou moins solennelle renforce la ritualisation du processus de désistance et ses diverses étapes, et, de ce fait, leur enracinement. Des rituels de désistance spécifiques sont par ailleurs mis en œuvre pour acter publiquement l’achèvement des dispositifs de prise en charge et valoriser les efforts accomplis (remise d’une attestation encadrée à Glasgow, applaudissements en audience publique aux Etats-Unis, rituel de haka en Nouvelle-Zélande). Il s’agit de rituels ré-intégratifs dans la société, très appréciés des justiciables et de leurs proches car très valorisants : bien souvent, c’est la première fois de leur vie qu’ils reçoivent des félicitations.

L’efficacité des juridictions résolutives de problèmes sur la prévention de la récidive

Le modèle de juridiction résolutive de problèmes (JRP) bénéficie d’un déploiement exponentiel dans le monde en raison de ses résultats très satisfaisants en termes d’impact sur la récidive et de soumission aux obligations, nettement meilleur dans les JRP que dans les juridictions classiques. La recherche scientifique s’est intéressée à la justice résolutive afin d’analyser l’efficacité de cette méthode sur le taux de récidive des délinquants et la comparer aux modèles plus classiques d’obligation de soins. Le résultat des différentes méta-analyses réalisées est le suivant : environ 10 à 15 % de meilleurs résultats sur la prévention de la récidive et sur le bien-être des personnes par rapport au groupe contrôle de modèle de justice classique.
En dehors des méta-analyses, une étude américaine a montré que les juridictions JRP « drogue » conservaient leurs résultats positifs jusqu’à quatorze ans après le suivi. Une autre étude a montré que ces mêmes juridictions produisaient en moyenne 2,21 dollars de bénéfice direct pour la justice pénale, pour chaque dollar investi.

Nous remercions Laurence Begon-Bordreuil pour cette présentation de la justice résolutive lors du colloque des 50 ans de l’Îlot, le 27 septembre 2019 au Palais du Luxembourg.

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